Et ces deux-là, comme je te l’ai dit,
Étaient les amis d’Hiawatha,
Chibiados, le musicien,
Et le colosse, Kwasind.

Hiawatha [1]


Torpenhow achevait de numéroter les dernières pages d’un manuscrit. L’Antilope, venu pour faire son éternelle partie d’échecs, parcourait l’article avec force commentaires dédaigneux. Il y a du pittoresque, et cela fait tableau, disait-il ; mais, comme exposé de l’état des affaires dans l’Europe orientale, c’est assez médiocre.

— En tout cas, j’en suis débarrassé !... Trente-sept... trente-huit... trente-neuf feuillets : cela doit faire onze ou douze pages de renseignements de première main... et de seconde vue... Ouf !

Il rassemblait sa copie en fredonnant, lorsque Dick, la mine un peu contrainte, mais en somme de bonne humeur, entra chez lui.

— Enfin de retour ! fit Torpenhow.

— Oui, ou à peu près. Qu’avez-vous fait, vous autres ?

— Nous avons travaillé, nous ! Dickie, vous vous conduisez comme si vous aviez votre caisse à la Banque d’Angleterre. Voilà trois jours écoulés : dimanche, lundi et mardi, sans que vous ayez touché un pinceau. C’est scandaleux !

— L’inspiration va et vient, mes enfants !... Elle est en hausse ou en baisse... tout à fait comme notre tabac, repartit Dick en bourrant sa pipe.

Il se penchait pour jeter son allumette dans la cheminée, quand il fut éventé par le puissant soufflet de forge dont Torpenhow se servait d’ordinaire pour son foyer et que l’Antilope dirigeait de son côté.

— Que le diable vous emporte, avec vos grossières plaisanteries ! fit-il en se retournant. Si vous n’étiez pas si grand et si gros, je...

Il cherchait des yeux autour de lui de quoi châtier le plaisant, quand Torpenhow s’écria :

— Allons, pas de pugilat chez moi, s’il vous plaît ! La dernière fois, vous avez démoli la moitié de mes meubles en vous jetant des coussins à la tête. Quant à vous, Dick, il me semble que vous pourriez dire bonjour à M. Binkie ! Vous ne l’avez même pas regardé.

Le fox-terrier avait sauté du sofa et se frottait contre la jambe de Dick, en grattant le plancher autour de ses bottines. Il le prit et l’embrassa sur la tache noire qui soulignait son œil droit.

— Eh bien, petit, lui fit-il, ce gros vilain homme t’a donc chassé du sofa ? Mords-le !...

Il le jeta sur le ventre de son adversaire, au moment où celui-ci s’installait confortablement, et Binkie, en humeur de jouer, se mit à mordiller pouce à pouce toute la large surface offerte à ses crocs.

L’Antilope le repoussa en riant et lui lança un coussin, sous lequel le petit chien demeura immobile, haletant, et tira la langue à la compagnie. Dick reprit :

— Ce pauvre petit Binkie a fait sa promenade du matin avant que vous fussiez levé, Torp. Je l’ai vu faire les yeux doux au boucher du coin au moment où cet homme terrible ôtait les volets de sa boutique. Vous ne nourrissez donc pas votre chien ? — Est-ce vrai, Binko ? demanda Torpenhow d’un ton sévère.

Binkie se retira sous le coussin et fit volte-face en montrant à ses maîtres sa croupe blanche et ronde. Il se désintéressait visiblement de la discussion.

— Il y a d’autres chiens rôdeurs qui se sont levés tôt, ce matin, dit l’Antilope en goguenardant... Torp a cru que vous vouliez acheter un cheval.

— ... Non. Je me sentais maussade : j’ai été voir la mer et les jolis navires qui passent.

— Ah ! où êtes-vous allé ?

— Quelque part sur le détroit : à Progly ou à Snigly, ou à quelque autre station balnéaire... Les navires frôlaient la côte.

— En avez-vous reconnu un ?...

— Oui : le Barralong, faisant route pour l’Australie, et un vaisseau à blé d’Odessa. Il y avait du brouillard ; mais la mer sentait bon.

— Et c’est pour aller voir le Barralong que vous avez mis votre meilleur pantalon ? demanda Torpenhow.

— J’ai mis celui-là parce que je n’en avais pas d’autre, si ce n’est mon pantalon d’atelier. D’ailleurs, il faut faire honneur à la mer.

— Et la mer vous a probablement un peu énervé ?... insinua l’Antilope.

— Ne m’en parlez pas !... Elle m’a affolé. Je regrette d’y être allé.

Les deux correspondants échangèrent un coup d’œil, pendant que Dick se baissait pour faire un choix parmi les chaussures de son ami.

— Voilà qui fera mon affaire, dit-il enfin. Je n’admire guère votre goût en matière de pantoufles ; mais c’est ma pointure.

Il glissa ses pieds dans une paire de mules de peau, chercha une chaise confortable et s’y étendit.

— J’allais justement les mettre, dit Torpenhow, ce sont celles que je préfère.

— Toujours votre affreux égoïsme ! Vous ne pouvez me voir heureux un instant sans éprouver le besoin de me déranger.

— C’est une chance pour vous que Dick ne puisse porter vos habits, Torp, dit l’Antilope. Pour le reste, vous vivez comme des partageux.

— Oui, seulement il n’a rien qui m’aille, lui ! Il n’est bon que pour prendre.

— Et vous ! s’écria Dick. Depuis quand n’allez-vous plus fouiller dans mes cachettes ? J’avais mis hier une guinée dans le pot à tabac. Elle n’y est plus. Comment voulez-vous que je tienne mes comptes ?

Torpenhow se mit à rire :

... Cacher une guinée ? hier ? Voilà un beau comptable ! Vous m’avez prêté un billet de cinq livres il y a un mois. Est-ce que vous vous le rappelez ?

— Oui, eh bien ?

— Eh bien, je vous l’ai rendu dix jours après, et c’est lui que vous avez serré dans le pot à tabac !

— Tiens ! je croyais l’avoir mis dans ma vieille boîte à couleurs !

— Ah !... Vous croyiez ?... La semaine dernière, je suis allé dans votre atelier pour bourrer ma pipe et j’ai retrouvé la bank-note.

— Qu’est-ce que vous en avez fait ?

— J’ai conduit l’Antilope au théâtre, et je l’ai nourri.

— Ce n’est pas vrai ! Vous n’auriez pu nourrir l’Antilope pour ce prix-là ! Pas même pour le double, fût-ce avec de la viande à soldats...

— Vous êtes superbe, vous ! dit l’Antilope en riant au souvenir du festin. Nous avions bien travaillé, Torp et moi, et nous avons dépensé notre superflu immérité. Voilà ce que c’est que d’être un fainéant !

— Je ne suis cependant pas chargé de vous nourrir !... Regardez-le : il éclate de mes victuailles... Quant à moi, je retrouverai à dîner un de ces jours, n’est-ce pas... Eh bien, si nous allions au théâtre ?

L’Antilope fit, d’un ton paresseux :

— Oh ! se chausser ?... se laver ?... s’habiller ?...

— Soit ! je retire ma proposition.

Torpenhow regarda Dick et insinua doucement :

— Faisons mieux ! Pour changer, pour inventer quelque chose de tout nouveau, d’inédit et d’excitant, si nous allions chercher notre fusain et notre toile, et si nous nous mettions à travailler ?

Dick demeura impassible, en se bornant à tourner ses pieds dans ses pantoufles.

— Vous radotez, Torp !... Si j’avais une figure commencée, je n’aurais pas mon modèle ; si j’avais mon modèle, je n’aurais pas d’estompe... D’ailleurs je ne laisse jamais de fusain, le soir, sans le fixer... Et puis, enfin, si j’avais mon estompe et vingt photographies pour les fonds, je ne pourrais encore rien faire aujourd’hui : je ne me sens pas en train, là !...

— N’est-ce pas, dit l’Antilope, n’est-ce pas, petit chien Binkie, que voilà un fier paresseux ?...

— Ah ! c’est comme cela ! s’écria Dick en se levant. Eh bien, je vais travailler, puisque vous l’exigez ! je cours chercher le livre de Nungapunga, et nous allons ajouter un nouveau tableau à la légende de l’Antilope.

Lorsqu’il eut quitté la chambre, le gros homme demanda à Torp, d’un ton subitement radouci :

— Ne le tourmentez-vous pas un peu trop ?

— C’est possible ; mais je sais de quoi il serait capable, s’il le voulait bien. Cela m’enrage de n’entendre jamais louer que ses œuvres passées, quand il pourrait en produire tant d’autres meilleures encore... Vous et moi, parbleu ! nous avons donné notre mesure ; notre vie est faite. Celle de Dick serait si belle ; il devrait être si grand, avec du travail. C’est ce qui me chiffonne.

— Oui ! Et quand vous vous serez fait bien du mauvais sang pour lui, il vous mettra de côté avant longtemps peut-être, pour une jeune fille !...

— Je serais curieux de voir ça !... Vraiment, où croyez-vous qu’il soit allé aujourd’hui ?

— À la mer, cela n’est pas douteux ! Avez-vous remarqué ses yeux quand il nous en parlait ? Il semblait tout agité, tout ému, comme une hirondelle à l’automne.

— Oui. Mais y a-t-il été seul ?

— Ah ! voilà... En tout cas, il offre les symptômes de la fièvre des voyages à son début. Pas moyen de s’y tromper. Il a besoin de mouvement. Il est attiré au loin...

— Ce serait peut-être son salut, dit Torpenhow.

— Peut-être ; mais à la condition que vous y aidiez un peu. Quant à moi, j’aime mieux ne pas m’en mêler.

Dick revint avec un grand album à fermoir que l’Antilope connaissait bien et qu’il n’aimait guère. Dans ce recueil, l’artiste avait croqué au vol, pour son plaisir, toutes sortes d’incidents dont ses camarades et lui-même avaient été les héros aux quatre coins du monde ; mais c’étaient les exploits de l’Antilope et les larges proportions du colossal reporter qui avaient le plus souvent excité sa verve.

À court d’actualités, il se rabattait sur les inventions les plus échevelées en parsemant la carrière de son héros favori d’épisodes inconvenants. On voyait tour à tour les mariages de l’Antilope avec plusieurs princesses africaines ; sa honteuse trahison imaginaire, livrant un corps d’armée tout entier pour l’amour d’une femme arabe ; son tatouage opéré par d’habiles artistes dans le Birman ; sa terrifiante entrevue avec le bourreau jaune à Canton, sur une plage rougie par le sang des exécutions, et enfin les migrations successives de son esprit dans des corps de baleines, d’éléphants, de toucans.

Torpenhow, de temps en temps, ajoutait aux dessins une légende rimée. Cet album était en son genre une curieuse pièce d’art. Dick ayant décidé que le nom du livre signifierait, en hindou, la nudité, l’Antilope n’y portait aucune espèce de vêtement, dans aucune circonstance. Ainsi, le dernier croquis où l’on voyait ce souffre-douleur allant au Ministère de la Guerre pour faire valoir ses droits à la médaille d’Égypte — était à peine décent.

Dick s’installa commodément à la table de Torpenhow et se mit à tourner les pages.

— Quelle fortune vous auriez été pour Blake [2] ! dit-il. Il y a dans quelques-uns de ces dessins une teinte de rose succulent répandu sur diverses parties de votre personne... C’est mieux que la vie elle-même ! Ainsi, tenez : L’Antilope cerné par les Mahdistes pendant son bain. Est-ce pris sur le vif, hein !

— Irrévérencieux barbouilleur ! Ç’a failli être mon dernier tub !... Et dites-moi : Binkie a-t-il déjà sa place dans la galerie ?

— Non : l’enfant Binkie n’a encore rien fait pour l’histoire. Toute sa vie s’est passée à tuer des rats... Regardez : vous voici en saint de vitrail, dans une église. Quelles lignes décoratives dans votre anatomie ! Vous devriez m’être reconnaissant, de vous faire ainsi passer à la postérité... Dans cinquante ans, vous existerez en rares et curieux fac-similé, à dix guinées la pièce... Voyons, qu’est-ce que je vais faire de vous aujourd’hui ? La Vie privée de l’Antilope ?

— Il n’en a pas.

— Alors, la Vie publique de l’Antilope ?... C’est cela !... Meeting en masse de ses femmes à Trafalgar Square. J’ai mon affaire. Toutes ses épouses sont accourues des extrémités de la terre pour assister à son mariage avec une Anglaise. Je vais faire mon dessin à la sépia. C’est un délicieux procédé.

— Encore une scandaleuse perte de temps, dit Torpenhow.

— Vous, laissez-moi tranquille !... Cela entretient la main, surtout quand on commence sans crayon.

Il se mit aussitôt à l’ouvrage.

— Voici la colonne de Nelson. Tout à l’heure, l’Antilope va y grimper.

— Au moins, habillez-le, cette fois !

— Certainement que je l’habillerai ! je lui mettrai un voile et une couronne de fleurs d’oranger, puisque c’est un homme marié.

— Sapristi ! voilà qui est enlevé ! s’écria Torpenhow, qui regardait par-dessus l’épaule de Dick.

Celui-ci, en trois coups de pinceau, venait d’esquisser un dos gras et une épaule péniblement pressée contre la pierre.

— Dites donc, continua Dick tout en travaillant, si nous pouvions publier quelques-uns de ces croquis-là, chaque fois que l’Antilope me fait bêcher dans la presse par un camarade qui sait écrire !

— Je vous en avertis toujours, protesta l’Antilope, et c’est pour votre bien que j’ai demandé au jeune Maclagan...

— Bon ! bon ! Une seconde, s’il vous plait, mon vieux !... Plaquez votre main contre le mur, et continuez à bafouiller tant que vous voudrez... Votre épaule gauche est incorrecte : il faut absolument que je la voile... Où est mon canif ?... Vous disiez donc que Maclagan ?...

— Je lui ai simplement recommandé de vous éreinter, en thèse générale, parce que vous ne produisiez rien qui fût destiné à durer...

— Et là-dessus, ce jeune fou, — Dick rejeta la tête en arrière, en fermant un œil et en déplaçant la page sous sa main, — ce jeune fou, laissé seul avec son encrier, et ce qu’il considérait comme ses idées personnelles, s’est mis à répandre le tout sur moi, dans les journaux !... Vous auriez pu engager un homme fait, au lieu d’un gamin, pour cette besogne-là, Antilope !... Regardez, Torp, à présent trouvez-vous que le voile nuptial ait bon air ?

Torpenhow était stupéfait. Les procédés de Dick lui semblaient toujours nouveaux par la hardiesse et la précision.

— Comment, diable ! vous y prenez-vous, lui dit-il, pour faire tenir ainsi l’étoffe éloignée du corps, avec trois traits et deux barbouillages ?

— Il n’y a qu’à placer cela juste où il faut. Si Maclagan savait son métier aussi bien que je sais le mien, il aurait écrit un meilleur article.

— Tâchez donc d’en faire autant pour une œuvre qui dure, bougonna l’Antilope.

Le pauvre homme avait pris une peine considérable pour le bien de Dick, — il en était convaincu, — en lui faisant adresser des remontrances autorisées par un jeune critique connu pour ses dissertations savantes sur « l’art un et indivisible ».

— Vous, repartit Dick, attendez un peu que j’arrange comme il faut ma procession d’épouses ?... Sans reproche, vous me paraissez avoir abondamment pratiqué le mariage. Tout ce que je puis faire, c’est d’indiquer les silhouettes de vos femmes, tant il y en a !... Des Mèdes, des Parthes, des Édomites... Et maintenant, sachez que cela m’est parfaitement égal de créer, comme vous dites, œuvre qui dure. C’est là le rêve d’un cerveau obtus. Je me contente très bien d’avoir fait de mon mieux jusqu’à ce jour, et je ne produirai rien d’aussi bien de plusieurs semaines au moins ; probablement même de quelques années ; plus probablement encore, jamais !...

— Eh quoi ! s’écria Torpenhow. Votre stock de croûtes, ce serait là vos chefs-d’œuvre ?...

— Les toiles que vous avez vendues ? demanda l’Antilope.

— Oh ! non. Ce que j’ai fait de mieux n’est pas ici et n’a pas été vendu. Personne au monde ne sait où cela se trouve, et moi-même je l’ignore... Allons ! fourrons-lui des femmes et encore des femmes, à ce débauché ! Remarquez-vous, Torp la vertueuse indignation des lions qui entourent le monument ?

— Expliquez-nous donc ce que vous venez de dire, répondit Torpenhow, cela vaudra mieux.

— C’est la mer qui m’a rappelé cela aujourd’hui, répliqua Dick en relevant lentement la tête. C’est un souvenir très curieux et pesant... Il faut que je m’en délivre. J’allais de Lima à Auckland, sur un vieux paquebot, très grand, très avarié, qui appartenait à une compagnie italienne de second ordre. Une drôle de boite que ce bateau ! Nous étions rationnés à quinze tonnes de charbon par jour, et l’on s’estimait heureux de filer de temps en temps dix nœuds à l’heure. Après quoi, il fallait stopper pour une raison ou pour une autre.

— Quelle était votre profession, à ce moment-là ? Maître d’hôtel ou marchand ?

— J’étais en fonds ; donc, j’étais passager. Sans cela, j’aurais été maître d’hôtel, j’imagine, fit Dick avec une parfaite gravité en se remettant à sa procession de femmes jalouses. J’étais l’un des deux seuls passagers de Lima. Le navire était à moitié vide ; mais il avait toute une population de rats, de blattes et de scorpions.

— En quoi tout cela concerne-t-il votre peinture ?

— Attendez ! Ce navire, qui avait transporté des coolies chinois, était divisé à l’entrepont en compartiments pouvant contenir en tout deux mille « queues ». Toutes les couchettes ayant été supprimées, le bâtiment restait vide jusqu’au nez, et la lumière entrait par les sabords... une lumière très mauvaise pour le travail, tant qu’on n’y était pas habitué. Depuis plusieurs semaines, je n’avais rien à faire. Nos cartes marines étaient en mauvais état, et notre capitaine, de peur des orages, n’osait s’avancer vers le sud. Aussi prit-il à tâche de repêcher une à une toutes les îles de la Société. Alors je descendis dans l’entrepont et je fis mon tableau. Je le fis à bâbord et aussi profondément que je le pus dans l’intérieur du compartiment. Je n’avais à ma disposition que de la couleur brune et de la couleur verte, telles qu’on les emploie pour peindre les navires. De plus un peu de vernis noir destiné aux bastingages. Ce furent là tous mes matériaux.

— Les passagers ont dû vous prendre pour un fou.

— Il n’y en avait qu’un : une femme. Et c’est elle qui me fournit mon modèle.

— À quoi ressemblait-elle ? demanda Torpenhow.

— C’était une sorte de négresse juive de Cuba, d’une moralité assortie... Elle ne savait ni lire ni écrire, et cela lui était bien égal. Elle descendait pour me regarder peindre, ce qui déplaisait au patron, car il payait son voyage, et sa place à lui était sur le pont, au moins de temps en temps...

— Je comprends ! Ça devait être drôle !...

— Jamais je ne me suis tant amusé ! Quand la mer était un peu houleuse, on pouvait craindre de sombrer, d’un moment à l’autre ; mais par un temps calme, c’était le paradis ! Cette femme me mélangeait mes couleurs en écorchant quelques mots d’anglais, et le capitaine descendait toutes les cinq minutes pour voir, disait-il, si nous ne mettions pas le feu... Nous risquions à chaque instant d’être surpris, et j’avais un sujet splendide à traiter en trois tons.

— Quel sujet ?

— Deux lignes d’Edgar Poe :

Ni les anges, dans le ciel, ni les démons, là-bas sous la mer,

Ne pourront jamais séparer mon âme de l’âme de la belle Annabel Lee.

« C’était, je pense, un sujet de circonstance !... je peignis cette lutte, livrée dans l’eau, entre les bons et les mauvais génies, pour la possession d’une âme à l’agonie. La femme servit de modèle pour les anges, et puis pour les démons. L’âme, à demi noyée, flottait entre eux... Cela ne dit pas grand-chose, ainsi expliqué ; mais avec la bonne lumière de l’entrepont, je vous assure que ça avait un rude mouvement. L’ensemble mesurait sept pieds sur quatorze, le tout dans la pénombre, parce que je n’avais pas de quoi peindre la lumière.

— Et alors, fit Torpenhow, cette femme vous inspirait beaucoup ?

— Elle et la mer, énormément ! Ma fresque était assez mal dessinée ; mais je n’ai jamais fait mieux. Hélas ! je suppose que maintenant le navire est démoli, ou naufragé. Ah ! c’était une belle vie que celle-là !

— Et après, qu’est-ce qui est arrivé ?

— Rien. Quand je quittai le navire, on le chargeait de ballots de laine ; mais jusqu’au dernier moment les stewards eux-mêmes évitèrent de cacher la peinture. Je crois qu’ils avaient peur des yeux des démons.

— Et la femme ?

— La femme ? Elle n’était pas rassurée non plus. Elle se signait chaque fois qu’elle descendait dans l’entrepont. Ah ! Dieu, quel attrait ! Trois couleurs en tout et pour tout, l’impossibilité d’en avoir d’autres, la mer battant la cloison, l’amour sans frein, la peur de la mort planant sur nous à chaque instant...

Il ne regardait plus son dessin. Ses yeux dirigés à travers la chambre semblaient suivre une vision lointaine.

— Pourquoi, suggéra l’Antilope, n’essayez-vous pas de refaire quelque chose dans ce genre ?

— Parce que ces choses-là ne viennent pas toutes seules. Quand je retrouverai un vaisseau marchand, une juive cubaine, un entrepont vide, la même inspiration et la même atmosphère, alors, peut-être...

— Ce n’est pas ici que vous rencontrerez tout cela.

— Non !...

Dick referma son album d’un coup sec.

— Il fait chaud comme dans un four !... Si on ouvrait la fenêtre ?

Il se pencha dans la nuit, regardant les ténèbres profondes des rues de Londres, au-dessous de lui. L’appartement, beaucoup plus élevé que le toit des maisons voisines, dominait une centaine de cheminées, des tuyaux tordus qui avaient l’air de chats assis et tournant sur eux-mêmes, d’autres formes mystérieuses et baroques de brique ou de zinc, supportées par des étançons de fer ou reliées par des crampons en forme d’S. Au nord, les lumières de Picadilly Circus et de Leicester Square jetaient leur reflet fauve sur les toits noirs, et au sud s’alignaient les réverbères des quais de la Tamise. Un train roula sur un pont de chemin de fer, noyant dans son fracas fumeux l’indistincte rumeur de la rue. L’Antilope consulta sa montre et dit simplement :

— L’express de nuit pour Paris. Vous pouvez prendre votre billet direct pour Saint-Pétersbourg, si vous voulez.

Dick passa la tête et les épaules hors de la fenêtre et regarda au-delà du fleuve. Torpenhow vint le rejoindre, tandis que l’Antilope se mettait tranquillement au piano. Binkie, se faisant aussi gros que possible, s’étendit sur le sofa, de l’air de quelqu’un qui est parfaitement décidé à ne plus se laisser déranger.

— Eh bien, cria l’Antilope aux deux paires d’épaules, c’est donc la première fois que vous voyez cette ville ?

Sur le fleuve, un remorqueur siffla en tirant ses péniches le long du quai. Puis il se tut, et les bruits de la rue, seuls, recommencèrent à s’engouffrer dans la chambre. Torpenhow poussa Dick du coude :

— Bon endroit pour gagner de l’argent ; mais fichue localité pour vivre, hein, Dick !

Celui-ci, le menton dans sa main et fixant toujours la nuit, reproduisit pour toute réponse le mot d’un général célèbre :

— Quelle belle ville à piller !

Binkie, dont l’air nocturne chatouillait les moustaches, se mit à éternuer plaintivement.

— Nous allons enrhumer l’enfant, dit Torpenhow. Rentrons.

Il referma la fenêtre et Dick vint s’étendre sur le sofa en demandant au petit chien la permission d’allonger les jambes à son aise. Puis il se mit à bâiller au point de se décrocher la mâchoire, tout en caressant les oreilles de velours de Binkie.

— Allons ! Chantez-nous quelque chose, Antilope, fit Torpenhow, quoique cette vieille boîte à musique soit sans doute hors de ton : personne que vous n’y touche jamais. Hurlez, pour que Dick vous entende.

Dick se mit à réciter une des légendes inscrites dans le livre de Nungapunga :

La vie de l’Antilope n’est que fraude et massacre,
Ses écrits sont du Dickens délayé dans de l’eau ;
Mais la voix de l’Antilope dans les notes hautes
Rend la mort bienvenue aux madhistes eux-mêmes.


L’Antilope daigna sourire. Le chant était son talent de société, bien connu de ses confrères de la presse et de ses camarades, les correspondants à l’étranger.

— Que faut-il chanter ? demanda-t-il en se tournant sur le tabouret.

— Chantez-nous le Pilote du Gange. Vous rappelez-vous l’avoir entonné avant, dans le carré d’El-Maghrib ? Et à ce propos, Torp, je me demande combien il y a encore de vivants parmi ceux qui reprenaient en chœur le refrain.

Torpenhow réfléchit un instant.

— Hélas ! je crois qu’il n’y a plus que vous deux et moi. Raynow, Vickery, Deenes, tous tués. Vincent a pris la petite vérole au Caire, l’a rapportée ici et en est mort... Oui, plus que vous, l’Antilope et moi !...

— Allons ! commencez, fit Dick.

Et l’Antilope commença.

La chanson débutait ainsi :

J’ai filé mon câble, camarades, je descends à la dérive.
J’ai reçu mes ordres de route, pendant que vous demeurez à l’ancre,
Et jamais, par un beau matin de juin, je ne suis parti en mer
Avec la conscience plus nette, un espoir meilleur, le cœur plus léger
.

Et, tandis que les paroles se déroulaient, évoquant des images de combat, de massacre et de rapt, Dick, chantant avec ses camarades — car ils chantaient tous, maintenant — croyait entendre le vent de la pleine mer mugir à ses oreilles, et le clapotement des vagues, et le bruit terrible des batailles.

Secoué de la tête aux pieds par ce ressouvenir, il prit Binkie et l’éleva jusqu’à son visage, en lui demandant :

— Qu’y a-t-il donc dans toutes ces bêtises pour agiter ainsi le cœur d’un homme ?

— Cela dépend de l’homme, dit Torpenhow.

— De l’homme qui a été à la mer aujourd’hui, ajouta l’Antilope.

— Je ne savais pas qu’elle me bouleverserait ainsi.

— C’est ce que disent les gens qui vont prendre congé d’une femme.

— Mais une femme peut... commença Dick étourdiment.

Torpenhow acheva :

— ... Une femme peut faire partie de la vie d’un homme ?... Non, cela ne se peut pas ! » Et tout assombri, il continua : « Elle prétendra vouloir s’unir complètement à lui, l’aider de son travail, alléger son fardeau... et puis elle lui écrira cinq ou six lettres par jour pour se plaindre qu’il n’aille pas perdre son temps auprès d’elle...

— Je n’aurais pas dû aller à la mer ! fit Dick désireux de couper court à la conversation. C’est une vieille maîtresse tenace, et je regrette de l’avoir tant aimée...

— Oyez ! Oyez ! Il renie son premier amour ! cria l’Antilope.

Et puis, d’une voix de stentor qui fit trembler les vitres, il entonna les Hommes de la mer, une vieille chanson qui commence, ainsi que chacun sait, par ces mots :

La mer est une méchante femme,

et qui, après huit lignes pleines d’images saisissantes, se termine par un refrain lent comme le grincement d’un cabestan, alors que le bateau remonte de mauvaise grâce le long des pieux, sur les galets, où les matelots, tout en sueur, péniblement, le halent en piétinant :

« Oh ! toi qui nous enfantas,
Laisse-nous vivre !...
La mer est meilleure que tout :
Elle parle à nos cœurs
Et les fait vibrer d’enthousiasme. 
»
Ainsi chantaient les hommes de la mer.

L’Antilope répéta deux fois ce refrain, à l’intention de Dick ; mais celui-ci attendait les adieux des marins à leurs femmes :

« Et vous qui nous aimez,
Mères, filles et femmes,
Pourquoi vous émouvoir ?
Elle nous est plus chère que vous,
Vous n’en dormirez que mieux, sans nous... 
»
Ainsi chantaient les hommes de la mer.

... Ces brutales et viriles paroles résonnaient comme autrefois les vagues sur les flancs délabrés du navire parti de Lima... Dick se croyait revenu au temps où il broyait des couleurs, dans la demi-obscurité, à travers d’aventureuses amours... Il se rappelait les démons et les anges peints au hasard, dans l’ombre, et la menace constante du couteau du capitaine italien, prêt à s’enfoncer entre ses deux épaules... Et la fièvre incoercible du voyage, plus réelle et plus incurable que tant de maladies classées par les médecins, s’éveillait de nouveau, brûlait son sang, l’affolait... Lui qui aimait Maisie plus que tout au monde, il aspirait à se retremper dans cette vie ardente, hasardeuse, à se battre, à jurer, à jouer, surtout à revoir la mer, et par elle à engendrer des œuvres... Il reparlerait au lamentable Binat dans les sables de Port-Saïd pendant qu’une servante jaune lui préparerait à boire ; il entendrait de nouveau le bruit des carabines anglaises et des mousquets barbares ; il verrait la fumée se dérouler, tantôt épaisse et tantôt légère, sur un fond de visages noirs, dans ces enfers des batailles où chacun est seul à répondre de sa tête et frappe d’un bras déchaîné... C’était impossible, hélas ! Et cependant :

« Ô nos pères, dans le cimetière,
La mer est plus vieille que vous,
Et chez elle nos tombes seront plus vertes ! 
»
Ainsi chantaient les hommes de la mer.

Le silence avait suivi. Torpenhow demanda tout à coup :

— Qu’est-ce qui nous retiendrait ?

— Vous m’avez signifié, il n’y a pas longtemps, que vous ne voudriez pas faire le tour du monde avec moi.

— C’était il y a des mois, et je n’admettais pas de vous voir chercher à gagner de l’argent pour payer nos frais de voyage... Mais s’il s’agit de partir pour travailler, pour voir, pour vivre enfin, c’est différent !...

— Vous vous engraissez ici à ne rien faire, dit l’Antilope en saisissant Dick par le milieu du corps. Vous voici tendre comme un poulet gavé.

— Vous êtes plus gros que moi, vous ! La prochaine fois que vous ferez campagne, vous mourrez d’apoplexie !...

— Tant pis pour moi ! Mais, vous, partez ! Allez à Lima, au Brésil, n’importe où. Il y a toujours des troubles dans l’Amérique du Sud. Allez les voir.

— Non, je reste ici.

— Vous êtes fou ! intervint Torpenhow. Auriez-vous des commandes, par hasard ? Alors, payez votre dédit et filez. Vous avez assez d’argent pour voyager comme un prince, si vous voulez.

— Vous avez la plus hideuse conception de l’existence, Torp ! Me voyez-vous passager de première classe dans un hôtel flottant de six mille tonnes ? Me voyez-vous demandant au troisième ingénieur ce qui fait marcher les machines et si l’on n’a pas très chaud dans la chambre de chauffe ?... Ah ! grands dieux ! voyager en vagabond, plutôt, si je devais partir !... Ce qui n’est pas. Tenez, je ferai un compromis : j’essaierai d’une excursion pour commencer.

— C’est déjà quelque chose, dit Torpenhow. Où irez-vous ? Cela vous ferait un bien énorme, mon vieux.

— En premier lieu, j’irai chez Rathray, louer un cheval, que je conduirai très prudemment jusqu’à Richmond Hill. Puis je le ramènerai, par la bride, de peur de le surmener et de fâcher Rathray. Je vais faire cela dès demain, pour m’entraîner, pour prendre de l’air et de l’exercice.

— Ah ! c’est comme cela ?...

Dick eut à peine le temps de lever le bras pour se garantir du coussin que Torpenhow exaspéré lui lançait à la tête.

— Ah ! il lui faut de l’air et de l’exercice ? s’écria l’Antilope à son tour. Eh bien, nous allons lui en donner ! Le soufflet, Torp.

Alors, la conversation dégénéra en tumulte. Dick fut couché sur le tapis où l’Antilope le maintint de tout son poids. On lui introduisit de force le soufflet entre les dents, et on lui gonfla les joues, en lui pinçant le nez, jusqu’à ce que l’air s’échappant avec fracas des lèvres mal closes désarmât les assaillants pris de fou rire. Dick en profita pour les assommer à son tour avec un coussin mou dont l’étoffe se déchira, laissant de toutes parts s’échapper et s’envoler le duvet. Binkie ayant voulu intervenir dans l’intérêt de Torpenhow, on le fourra dans l’enveloppe encore à moitié pleine de plumes, avec défense d’en sortir. Il en sortit cependant, après quelques minutes d’un voyage agité, en boule verte, sur le sol, et quand il reparut enfin, décidé à demander réparation, il aperçut les trois arbitres de sa destinée, les piliers de son monde, occupés à secouer les plumes de leurs cheveux.

— C’est assommant ! fit Dick. Ce duvet ne veut jamais s’en aller de mes vêtements.

— Cela vous apprendra, jeune homme ! Rien ne vaut, disiez-vous, l’air et l’exercice ? Eh bien, en voilà.

Puis Torpenhow s’attendrit :

— C’est la vérité, mon vieux, et je ne dis que ce que je pense. Pourquoi plaisantez-vous toujours ?

— Devant Dieu, vous vous trompez, répondit sérieusement Dick. Vous me connaissez bien mal, si vous me jugez ainsi. Comment des gens comme nous, qui savent ce que signifient la vie et la mort, oseraient-ils se moquer de quoi que ce soit ? Nous faisons semblant, quelquefois, par esprit de contradiction.

« Est-ce que je ne vois pas bien, mon ami, à quel point vous vous inquiétez toujours de moi ?... Je sais, allez, je sais que vous me donnez tous les bons conseils que vous pouvez, pour me pousser au travail. J’y pense, moi-même, bien souvent, je vous assure ! Mais vous n’y pouvez rien, voyez-vous ? Non, vous-même, vous n’y pouvez rien. Je dois marcher tout seul, à ma fantaisie, à mes risques et périls — tout seul !...

— Il a raison, interrompit l’Antilope ; laissez-le à ses propres forces.

— Il se peut que j’aie tort, tout à fait tort !... Eh bien, je le découvrirai moi-même, comme il faut que je pense moi-même, sans me régler sur le voisin. Certes, il m’en coûte beaucoup plus que vous ne sauriez le croire de ne pouvoir m’en aller... mais je ne le puis pas... voilà tout ! Il me faut accomplir mon œuvre et faire ma vie à ma manière, car c’est moi seul, après tout, qui en suis responsable, vous le savez bien ! Ne m’accusez pas de légèreté, mon vieux Torp, je vous en prie. J’ai mes allumettes et mon soufre : j’allumerai tout seul, hélas ! le feu de mon enfer...

Il y eut un long moment de silence, que l’Antilope essaya de faire cesser par une plaisanterie ; mais Dick l’interrompit aussitôt :

— J’ai libéré mon esprit », fit-il gravement. Puis, redevenant soudain gai et souriant, il empoigna le fox-terrier toujours indigné et le secoua tendrement : « Oh ! cher petit Binkie, dont la bouche est pleine de plumes, on t’attache dans un sac et l’on te fait courir à l’aveuglette, Binkie mignon, et cela froisse ton petit amour-propre. C’est sans importance, vois-tu ? Hoc volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas [3], et ne m’éternue pas à la figure, ignorant, parce que je te parle latin !... Bonne nuit, tous !

Il quitta la chambre.

— Ce qu’il vient de dire s’adressait à vous, fit remarquer l’Antilope dès que Dick fut sorti... Vous voyez ce que je vous disais !... Ne vous mêlez donc pas de ses affaires, allez !

— Baste ! Il ne m’a pas dit de sottises ; donc, il n’est pas fâché. Il est partagé entre l’envie et la crainte du départ... Pourvu qu’il ne soit pas obligé quelque jour, de partir, malgré lui !...

Quant à Dick, une fois rentré chez lui, un seul problème occupa son esprit : il se demandait si le monde entier, la gloire, la fortune et l’honneur équivalaient à une simple petite pièce de trois pence, comme celle qui gisait maintenant au fond de la Tamise... Mais, alors, sa pensée déviait :

— Voilà ce que c’est, se disait-il, d’être allé voir la mer !... je me sens vraiment troublé...

Et puis une gracieuse image se retraçait devant ses yeux, et tout bas, il ajoutait :

— ... Après tout, Maisie et moi, nous y retournerons, à la mer ? Nous nous embarquerons ensemble ; nous passerons à bord notre lune de miel...

Mais son doute renaissait :

— Oui ! cela serait exquis !... Mais quelle influence étrange a gardée sur moi l’immensité de l’océan ! Il me semble que je sentais moins son pouvoir quand Maisie était là. Ce sont ces maudites chansons qui m’ont ainsi énervé !... Allons ! les voilà qui recommencent !

Non ! Ce n’était que le Nocturne de Julia de Herrick, fredonné par l’Antilope, et, avant la fin du morceau, Dick reparaissait sur le seuil de Torpenhow. Il était plutôt sommairement vêtu, comme pour la nuit, mais son esprit était rasséréné, son humeur tranquille.

Et ainsi ses désirs avaient leur flux et leur reflux, comme la mer elle-même, au pied des glacis du fort Keeling.





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