Interface V2.03m


Traduction et notes de phil.ae © 2007

Des Rose-Croix les subtilités
Dans l'Orient se sont élevées ;
Ceux qui les enseignaient se trouvent encore là
Sous la colline de Jacatâlâ.
Cherche encore dans Bombast Paracelse,
Lis ce que Fludd le Chercheur a raconté
Sur le Dominant qui tourne
Grâce aux Cycles des Soleils — 
Lis mon histoire en dernier
Et vois la Lune à son apogée.


Il y a à Simla des nominations annuelles, des nominations pour deux ans, et des nominations pour cinq ans, et il y a, ou il y a eu, des nominations permanentes, où vous restiez jusqu'au terme de votre vie, en préservant votre confort et un bon revenu. Bien sûr, vous pouvez sortir dans le froid — dans le cas où Simla vous serait plutôt ennuyeux. Tarrion venait de Dieu sait où — tout là-bas, très loin et à l'écart, dans quelque partie abandonné de l'Inde Centrale, où ils appellent Pachmari un Sanatorium, et où l'on conduit des bœufs de trait, je crois. Il faisait partie d'un régiment — mais ce qu'il voulait vraiment c'était le quitter afin de vivre à Simla pour toujours. Il n'avait pas de préférence pour quoi que ce soit en particulier, en dehors d'un bon cheval et d'un bon partenaire. Il pensait être capable de tout faire de façon satisfaisante — ce qui est une belle conviction lorsque vous la maintenez avec tout votre cœur. Il était habile à bien des égards, avait belle allure, et mettait toujours à l'aise les gens autour de lui — même dans l'Inde Centrale.

Alors, il est allé jusqu'à Simla, et, parce qu'il était intelligent et amusant, il se rapprocha naturellement de Mme Hauksbee, qui pouvait pardonner tout, sauf la stupidité. Il advint qu'il lui rendit un grand service en changeant la date d'une carte d'invitation, pour un grand bal auquel Mme Hauksbee souhaitait participer, mais sans le pouvoir en raison d'une querelle avec l'A.-D.-C., lequel, étant un homme mesquin, avait pris soin de l'inviter au petit bal du 6 à la place du Grand Bal du 26. Il s'agissait d'une très habile falsification, un véritable travail d'orfèvre, et quand Mme Hauksbee eut montré sa carte invitation à l'A.-D.-C., le taquinant légèrement pour ne pas mieux gérer ses vengeances, il a vraiment pensé qu'il avait fait une erreur, et — ce qui était sage — réalisé qu'il était inutile de lutter contre Mme Hauksbee. Elle fut reconnaissante à Tarrion, et lui demanda ce qu'elle pouvait faire pour lui. Il dit simplement : « Je suis ici en congé, à l'affût de ce que je peux butiner. Je n'ai pas le moindre pouce carré d'intérêt dans tout Simla. Mon nom n'est pas connu de tous les hommes ayant un poste à donner, et je veux une nomination — bonne et saine. Je crois que vous pouvez faire tout ce que vous voulez si vous vous y consacrez. Pouvez-vous m'aider ? » Mme Hauksbee resta pensive une minute, en passant la mèche de sa cravache sur ses lèvres, comme à son habitude lorsqu'elle réfléchissait. Puis ses yeux étincelèrent, et elle dit : « J'y consens » — et là-dessus elle lui serra la main. Tarrion, ayant parfaitement confiance en cette grande femme, ne consacra plus une seule pensée à cette affaire, excepté pour se demander quelle sorte d'engagement il allait gagner.

Mme Hauksbee commença à calculer le prix de chacun des Chefs de Département et Membres du Conseil de sa connaissance, et plus elle y pensait, plus elle riait car son cœur était en jeu et cela l'amusait fort. Elle prit la Liste Civile et passa en revue quelques emplois bien choisis. Il y en a de beaux dans la Liste Civile. Finalement, elle décida, bien que Tarrion soit trop bon pour cela, qu'elle ferait mieux de commencer par essayer de le placer dans le Département Politique. Ses propres plans à cette fin n'avaient pas d'importance en dernier ressort, parce qu'elle avait en main la Chance et le Destin, et n'avait rien d'autre à faire qu'à suivre le cours des événements et à s'en attribuer le mérite.

Tous les Vice-rois, lors de leur première entrée en fonction, subissent l'engouement du Secret Diplomatique. Cela s'efface avec le temps, mais ils se font tous capturer au début, parce qu'ils sont nouveaux dans la région. Le Vice-roi d'alors — c'était il y a longtemps, avant que Lord Dufferin n'arrive du Canada, ou Lord Ripon du cœur de l'Église anglicane — était très fortement concerné par ce travers, et le résultat en fut que les hommes nouvellement chargés de garder des secrets officiels paraissaient assez malheureux, le Vice-roi se targuant lui-même de la façon dont il avait inculqué des notions de discrétion dans son personnel.

À cette époque, le Gouvernement Suprême avait l'insouciante habitude de consigner sur des imprimés ce qu'il faisait. Ces papiers traitaient de toutes sortes de choses — allant du paiement de 200 roupies à un « service secret » indigène jusqu'à des reproches adressés aux vakils ou aux motamids des Etats Indigènes, ou encore des lettres plutôt brusques aux Princes indiens, leur demandant de mettre de l'ordre dans leurs maisons, de s'abstenir d'enlever des femmes autant que de remplir des criminels de poivre rouge pilé ou d'excentricités du même genre. Bien sûr, ces choses ne devaient pas être rendues publiques, car les Princes indiens ne font pas d'erreurs, officiellement, et leurs Etats sont officiellement aussi bien administrés que nos propres territoires. En outre, les allocations privées à diverses personnes bizarres ne sont pas exactement destinées à être publiés dans les journaux, même si leur lecture procure parfois un sentiment original. Lorsque le Gouvernement Suprême est à Simla, ces documents y sont établis, et font le tour des personnes qui doivent les voir dans les boîtes à courrier des bureaux ou par la poste. Le principe du secret était pour ce Vice-roi tout aussi important que la pratique, et il a jugé qu'un despotisme bienveillant comme le nôtre ne devrait jamais permettre même aux plus petites choses, telles que les nominations des employés subalternes, d'être dévoilées avant le bon moment. Il était toujours remarquable pour ses principes.

Il y avait un très important paquet de papiers en préparation à ce moment là. Il devait voyager d'une extrémité de Simla à l'autre, remis en mains propres. Il était dans une enveloppe qui n'était pas officielle, mais grande, carrée, et rose pâle — le contenu était manuscrit, sur un papier doux et craquant. L'adresse était « Le Clerc en Chef, etc., etc. » en même temps, entre « Le Clerc en Chef, etc., etc. » et « Mme Hauksbee, etc., etc. » avec fioritures, il n'y a pas une grande différence, si une adresse est très mal écrite, et c'était le cas. Le planton qui prit l'enveloppe n'était pas plus idiot que la plupart des plantons. Il a simplement oublié où ce très non-officiel camouflage devait être livré, et a demandé au premier Anglais rencontré, qui se trouvait être un homme descendant à Annandale en toute hâte. L'Anglais regarda à peine l'enveloppe, dit, « Mme Hauksbee » et s'en alla. Le planton en fit autant, parce que cette lettre était la dernière de la pile et qu'il était venu à bout de ce travail. Il n'y avait pas de registre à signer, l'Anglais jeta la lettre dans les mains du bearer de Mme Hauksbee et partit fumer avec un ami. Mme Hauksbee attendait d'une amie des patrons découpés dans du papier de soie. Donc, dès qu'elle vit le gros paquet carré, elle s'écria « Oh, la chère créature ! » et l'ouvrit en deux avec un coupe-papier. Tous les feuillets tombèrent sur le plancher.

Mme Hauksbee commença à lire. J'ai dit que le paquet était plutôt important. Vous n'avez pas besoin d'en savoir plus. Il faisait référence à un échange de correspondance, deux mesures, un ordre impératif pour un chef indigène, et deux douzaines d'autres choses. Mme Hauksbee suffoqua en lisant, car pour la première fois elle apercevait la machinerie du Grand Gouvernement Indien mise à nu, débarrassée de ses carters, vernis, peintures et garde-fous, impressionnante même pour le plus stupide des hommes. Et Mme Hauksbee était une femme intelligente. Elle eu un peu peur au début, et se sentit comme si elle avait saisit un éclair par la queue, sans avoir la moindre idée de ce qu'elle allait en faire. Il y avait des remarques et des initiales dans la marge de ces documents, et certaines des remarques étaient plutôt plus sévères que les papiers. Les initiales appartenaient à des hommes qui sont tous morts ou disparus aujourd'hui, mais ils étaient grands en leur temps. Mme Hauksbee continua à lire et ses pensées se calmèrent à mesure. La valeur de son trésor lui apparut alors, et elle chercha le meilleur moyen de l'utiliser. Tarrion arriva alors, et ils parcoururent ensemble la totalité des documents. Ne sachant pas comment ils étaient venus en sa possession, Tarrion se dit que Mme Hauksbee était la plus grande femme dans le monde. Ce que je crois vrai ou peu s'en faut.

— La voie honnête est toujours la meilleure », dit Tarrion après une heure et demie d'étude et de conversation. « Toutes choses considérées, le Service des Renseignements me conviendrait. De même que les Affaires Etrangères. Je vais aller mettre le siège devant les Dieux Suprêmes dans leurs Temples. »

Il ne chercha pas un petit homme, ni un grand petit homme, ni le Chef faible d'un Département fort, mais s'adressa à l'homme le plus grand et le plus fort que le Gouvernement possédait, et expliqua qu'il voulait une nomination à Simla, avec un bon salaire. Cette insolence consommée amusa l'Homme Fort, et, comme il n'avait rien à faire pour le moment, il écouta les propositions de l'audacieux Tarrion. « — Vous avez, je présume, quelque qualification spéciale, en plus de vos déclarations, pour la revendication que vous présentez ? » dit l'Homme Fort. « Cela, Monsieur », dit Tarrion, « c'est à vous d'en juger ». Il commença, car il avait une bonne mémoire, à citer un peu des plus importantes notes trouvées dans les papiers — lentement et une à une, comme un homme verserait des gouttes de chlorodyne dans un verre. Quand il atteignit l'ordre péremptoire — et il était très péremptoire — l'Homme fort fut troublé. Tarrion conclut — « Et j'imagine que des connaissances spéciales de cette sorte ont autant de valeur que, dirons-nous, une situation aux Affaires Etrangères, autant que d'être le neveu de l'épouse d'un distingué officier. » Cela toucha particulièrement l'Homme Fort, parce que la dernière nomination aux Affaires Etrangères avait été obtenue par népotisme, et il le savait.

— Je vais voir ce que je peux faire pour vous », dit l'Homme Fort.

— Merci beaucoup », dit Tarrion. Il partit, et l'Homme Fort entreprit de voir comment la dernière nomination pourrait être bloquée.

*     *
*


S'ensuivit une pause de onze jours — avec tonnerre et éclairs et beaucoup de télégraphe. La nomination n'était pas très importante, rapportant seulement entre cinq-cents et sept-cents roupies par mois, mais, comme disait le Vice-roi, c'était le principe du secret diplomatique qui devait être maintenu, et il était plus que souhaitable qu'un garçon si bien au courant d'informations spéciales soit transféré au plus tôt. C'est pourquoi Tarrion fut transféré. Ils devaient l'avoir soupçonné, mais il protesta que son information était due au talent singulier qui était le sien. Maintenant, pour une grande partie de cette histoire, y compris la suite concernant l'enveloppe disparue, il vous faudra remplir les blancs vous-même, parce qu'il y a des raisons pour lesquelles elle ne peut pas être écrite. Si vous n'en connaissez pas assez sur les choses de Là-Haut, vous ne pourrez pas comprendre comment remplir, et vous direz que c'est impossible.

Ce que le Vice-roi dit lorsque Tarrion lui fut présenté était — « Voici le garçon qui secoua le Gouvernement de l'Inde, n'est-ce-pas ? Rappelez-vous, Monsieur, on ne le fait pas deux fois. » Alors, il devait savoir quelque chose.

Ce que Tarrion dit lorsqu'il vit sa nomination dans la Gazette était — « Si Mme Hauksbee était plus jeune de vingt ans, et si j'étais son mari, je serai Vice-roi de l'Inde en quinze ans. »

Ce que Mme Hauksbee dit lorsque Tarrion la remercia, avec presque des larmes dans les yeux, fut d'abord — « Je vous l'avais dit ! » et ensuite, pour elle-même — « Que les hommes sont idiots ! »

Et j'ai obéi à l'ordre de Mulvaney.




Notes.


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