Interface V2.03


Traduction et notes de phil.ae © 2007

Et quand la guerre a commencé, nous avons chassé l'Afghan effronté,
Et nous avons forcé ces fichus Ghazi à s'enfuir, Ô les gars !
Et nous avons marché dans Kabul, et pris le Balar 'Issar,
Et nous leur avons appris le respect du Soldat Anglais.
Chansons de chambrée


Mulvaney, Ortheris et Learoyd étaient simples soldats dans la Compagnie B d'un Régiment de Ligne, et mes amis personnels. Ensemble, je le pense mais n'en suis pas certain, ils sont les pires hommes dans le régiment et leur canaillerie confine au génial.

Ils m'ont raconté cette histoire dans la cantine d'Umballa pendant que nous attendions un train montant. J'ai fourni la bière. Le récit n'était pas cher pour un gallon et demi.

Tous les hommes connaissent Lord Benira Trig. C'est un Duc, ou un Comte, ou quelque chose de non-officiel ; aussi un Pair du royaume ; aussi un globe-trotter. Dans les trois cas, comme le dit Ortheris, « Y' mérite pas not' considération. » Il était dans l'Inde pour trois mois afin de collecter de la matière destiné à un livre sur « Nos Impedimenta en Orient », et il prenait ses quartiers chez tout le monde, comme un Cosaque en tenue de soirée.

Son vice particulier — provenant de ce qu'il était un Radical, d'après les hommes — était de faire sortir les garnisons pour les passer en revue. Il dînait ensuite avec l'Officier Commandant, et l'insultait, par-dessus la table du mess, sur l'apparence des troupes. C'était là l'habitude de Benira.

Il a fait sortir les troupes une fois de trop. Il est arrivé au Cantonnement de Helanthami un mardi. Il souhaitait visiter les boutiques et les bazars le mercredi et il « désirait » voir sortir les troupes le jeudi. Un jeudi. L'Officier Commandant ne pouvait pas vraiment refuser, car Benira était un Lord. Il y eut une réunion de subalternes indignés au Mess, pour donner de petits noms d'amitié au Colonel.

— Mais la vraie manifestation », dit Mulvaney, « c'était dans la baraque de la Compagnie B — dirigée par nous trois. »

Mulvaney grimpa sur le bar de la cantine, s'installa confortablement près de la bière, et continua, « Quand le tapage fut à son comble et la Compagnie B prête à sortir pour tuer le type Thrigg sur le terrain de parade, Learoyd que voici prit son casque et dit — Qu'est-ce que tu as dit ? »

— J'ai dit », dit Learoyd, « donnez-nous du pognon. Montons une souscription, les gars, pour annuler la parade, et si la parade n'est pas annulée, je rendrais le pognon. C'est ce que j'ai dit. Toute la Compagnie B me connaît. J'ai monté une grande souscription — quatre roupies huit annas, il y avait — je suis sorti pour faire le boulot. Mulvaney et Ortheris sont venus avec moi. »

— Nous trois on fait du vilain en couple, généralement », expliqua Mulvaney.

Ici Ortheris l'interrompit. « Lisez-vous lu les journaux ? » me dit-il.

— Quelquefois, dis-je ».

— Nous avons lu les journaux, et nous avons comploté un brigandage maquillé, un... un embrèvement. »

— Un enlèvement, espèce de cockney », dit Mulvaney.

— Enlèvement ou embrèvement — c'est tout pareil. De toute façon, nous nous arrangions pour prendre et ôter de la circulation « Mister Benhira » jusqu'au jeudi bien passé, ou qu'il soit trop occupé pour se risquer lui-même aux parades. Je suis l'homme qui a dit « Nous allons prendre quelques roupies pour faire le boulot. »

— Nous avons tenu un Conseil de Guerre », continua Mulvaney, « en tournant autour des lignes de l'Artillerie. J'étais Président, Learoyd était Ministre des Finances, et le petit Ortheris que voici était...

— Un foutu Bismarck ! J'ai fait tout le boulot payant ! »

— Cela comptait peu car l'homme Benira, dit Mulvaney, a fait la farce pour nous à lui tout seul ; parce que, sur mon âme, nous ne savions pas du tout ce qui allait se passer la minute suivante. Il faisait ses emplettes, à pied dans le bazar. C'était le début du crépuscule alors, et nous sommes restés à observer le petit homme sautiller, entrer et sortir des boutiques, s'amuser en essayant de faire mallum son bat par les Noirs. À présent, il flânait là, les bras pleins de trucs, et il nous a dit d'une façon importante, en se dressant sur ses ergots, « Mes bons Messieurs, avez-vous vu la calèche du Colonel ? » — « Calèche ? » dit Learoyd. « Il n'y a pas de calèche ici — que des hekka. » — « Qu'est-ce que c'est ? » demanda Thrigg. Learoyd lui en montra une qui descendait la rue, et il dit, « Comme c'est authentiquement oriental ! Je veux me déplacer en hekka. » J'ai vu alors que le Saint Patron de notre régiment allait nous livrer Thrigg corps et biens. J'ai poursuivi une hekka, et j'ai dit au maudit cocher : « Noir fils du diable, il y a un Sahib qui veut prendre cette hekka. Il veut aller jildi au Padsahi Jhil — C'est à environ deux milles — pour tirer le chirria. Tu conduis Jehannum ke marfik, mallum — comme l'Enfer ? Il n'y a pas moyen de bukkin' au Sahib, il ne peut pas samjao ce que tu dis. S'il bolos quelque chose, toi tu choop et tu chel. Dekker ? Roule arsty pendant le premier arder mile après le Cantonnement. Alors chel, Shaitan ke marfik, et plus tu choop et plus tu chel jildi, plus le Sahib sera kooshy ; et il y a une roupie pour toi ? »

« Le cocher de l'hekka compris qu'il y avait quelque chose hors du commun dans l'air. Il ricana et dit « Bote achee ! Je vais très vite.  » Je priais que la calèche du Colonel n'arrive pas avant que mon cher Benira-par-la-grâce-de-Dieu soit en route. Le petit homme entassa ses trucs dans la hekka et s'y glissa comme un gros cobaye ; sans offrir le prix d'un verre pour nos services et l'avoir aidé à rentrer à la maison. « Il est parti pour le Padsahi Jhil », que j'ai dit aux autres.

Ortheris reprit le récit...

« Juste là, le petit Buldoo se pointe. Il était le fils d'un des grooms de l'Artillerie — il aurait fait un fameux livreur de journaux à Londres, et en plus fine mouche et adroit à tous les jeux. Il nous avait observés en train de fourrer « Mister Benhira » dans sa calèche provisoire, et il nous dit « Qu'est-ce que vous faites, Sahibs ? » qu'il dit. Learoyd l'a saisit par une oreille et a dit... »

« — J'ai dit, coupa Learoyd, « Jeune homme, ce type voudra faire sortir les canons jeudi — demain ! — et ça fera plus de travail pour toi, jeune homme. Maintenant regarde, prends un tat et un lookri, et cavale en trombe au Padsahi Jhil. Attrape là-bas la hekka et raconte au cocher dans ton jargon que tu es venu prendre sa place. Le Sahib ne parle pas le bat, et c'est un petit homme. Conduit la hekka dans le Padashi Jhil, dans l'eau. Laisse le Sahib là-dedans et cours à la maison ; et voilà une roupie pour ça. »

Ensuite Mulvaney et Ortheris ont parlé ensemble à bâtons rompus : Mulvaney commence (essayer de démêler les deux récitants si vous pouvez) « — C'est un rusé petit démon que ce Bhuldoo, — il dit bote achee et file — avec un clin d'œil — mais j'ai dit qu'on avait de l'argent à se faire — et j'ai voulu voir la fin de la campagne — oui et j'ai dit que nous allions foncer au Padashi Jhil — et sauver le petit homme des griffes du bandit meurtrier Bhuldoo — et nous transformer en sauveurs comme dans un mélodrame au Vic'oria — alors au pas de gymnastique vers le jhil, et à présent il y avait un boucan du diable derrière nous et trois gars sur des poneys de fourrageurs, qui tentaient lourdement de nous couper la route, comme s'ils nous chassaient à courre — alors à la grâce de Bob ! si Bhuldoo n'a pas levé une armée régulière de dacoïts — pour faire le job avec style. Et nous courrons, et ils courent, se dispersant en riant, jusqu'à arriver près du jhil — et nous entendîmes des soupirs de détresse flottant mélancoliquement sur les cheveux du soir. » (Ortheris devient poétique sous l'influence de la bière. Le duo reprit : Mulvaney commence à nouveau.)

« Alors Bhuldoo, le dacoït, criait après l'homme de l'hekka, et un de ses jeunes démons abattait son bâton sur le toit de l'hekka, et Benira Thrigg hurlait la dedans « Au meurtre ! À l'assassin ! » Buldoo prit les rênes et conduit comme un fou vers le lac, ayant repoussé le cocher — qui vient vers nous en disant « Le Sahib est près de devenir fou de peur ! Dans quel maudit travail m'avez-vous engagé ? » — Tout va bien, » on lui dit, « tu vas prendre le poney et en avant. Ce Sahib a été dacoïté et nous allons le secourir ! » Le cocher dit : « Dacoïts ! Quels dacoïts ? c'est Buldoo le budmash » — Oublie Buldoo, » on lui dit, « c'est un sauvage Pathan rebelle venu des Collines. Il y a environ huit des siens qui rossent le Sahib. Tu te rappelles bien ça et tu gagnes une autre roupie ! » À ce moment nous avons entendu le houp-houp-houp de la hekka qui versait, un grand éclaboussement d'eau et la voix de Benira Thrigg appelant Dieu à la rémission de ses péchés — Et Buldoo et ses amis accroupis dans l'eau comme les garçons dans le Serpentine. »

Là les Trois Mousquetaires repartirent simultanément à leur bière.

— Alors ? Qu'arriva-t-il ensuite ? » dis-je.

— Quoi ensuite ? » répondit Mulvaney en s'essuyant la bouche. « Vouliez-vous laisser trois gros garçons de ferme regarder l'ornement de la Chambre des Lords se noyer et être dacoïté dans un jhil ? Nous avons formé la ligne-de-quatre-colonnes et nous sommes tombés sur l'ennemi. Pendant presque dix minutes, on ne pouvait pas s'entendre parler. Le tattoo criait en chœur avec Benira Thrigg et l'armée de Bhuldoo, les bâtons sifflaient autour de l'hekka, et Ortheris en martelait le toit de ses poings, et Learoyd vociférait : « Regardez leurs couteaux ! », et moi je taillais du sabre dans l'obscurité, de droite et de gauche, dispersant des corps d'armée de Pathans. Sainte Mère de Moïse ! C'était plus désespéré qu'Ahmid Kheyl se jetant dans la bataille à Maiwand. Au bout d'un moment, Bhuldoo et ses comparses s'enfuirent. Avez-vous jamais vu un vrai Lord vivant essayant de cacher sa noblesse dans un pied et demi d'eau brune de marécage ? C'était l'image vivante de l'outre en peau de chèvre des porteurs d'eau, avec les tremblements en plus. Cela prit du temps pour persuader mon ami Benira qu'il n'était pas éviscéré : et encore plus de temps pour sortir l'hekka de là. Le cocher arriva après la bataille, jurant qu'il avait aidé pour repousser l'ennemi. Benira était malade de peur. De ce fait, nous l'avons escorté, très lentement, jusqu'au Cantonnement, pour cela et pour éviter le coup de froid, vu qu'il était trempé. Trempé ! Gloire au Saint Patron du Régiment, trempé jusqu'à la moelle, Lord Benira Thrigg !

Là Ortheris reprit, lentement, avec grand orgueil — Il dit, « vous êtes mes nobles protecteurs » qu'il nous dit, « Vous êtes l'hônneur de l'Ârmée Britannique », qu'il nous dit. Avec ça il décrit l'horrible bande de dacoïts qui lui était tombée dessus. Il y en avait environ quarante, et il était submergé par le nombre, il l'était — mais il n'a pas perdu sa présence d'esprit, ça non. Il a donné au cocher de l'hekka cinq roupies pour sa noble assistance, et il a dit qu'il voudrait nous voir après qu'il ait parlé au Colonel. Ceci parce que nous étions un hônneur pour le régiment, assurément »

— Et nous trois », dit Mulvaney avec un sourire séraphique, « avions attiré l'attention par-ti-cu-lière de Bobs Bahadur, plus que nous ne le pensions. Mais Bob est un vrai bon petit bonhomme, lui. Continue, Ortheris, mon gars ».

« Nous l'avons laissé à la maison du colonel, très malade, et avons coupé au court vers les baraques de la Compagnie B et nous avons dit comme quoi nous avions sauvé Benira d'un sanglant destin, et que les chances étaient faibles d'avoir une parade ce jeudi. Environ dix minutes plus tard on apporta trois enveloppes, une pour chacun de nous. À la grâce de Bob ! Voilà pas que cette vieille branche nous envoyait un fiver — soixante-quatre roupies au bazar ! Le jeudi il était à l'hôpital, à se remettre de sa sanguinaire rencontre avec une bande de Pathans, et la Compagnie B faisait force tintement de verres dans chaque escouade. Mais le Colonel, quand il entendit parler de notre galante conduite, il dit : — Je sais qu'il y a une diablerie là-dessous », qu'il dit, « mais je ne peux pas la relier à vous trois. »

— Et j'ai bien l'impression », dit Mulvaney en descendant du bar et en retournant son verre, « que s'il avait su, ils ne nous auraient pas renvoyés à la maison. Il est ouvertement révoltant, premièrement contre la Nature, secondement contre le Règlement, et troisièmement contre la volonté de Terence Mulvaney, de tenir des parades un jeudi.

— Bien dit, mon gars ! » dit Learoyd. « Mais jeune homme, pourquoi faire ce carnet de notes ? »

— Laisse faire », dit Mulvaney, « d'ici un mois nous serons sur le Serapis. C'est la renommée immortelle que va nous donner ce gentleman. Mais garde ça secret jusqu'à ce que nous soyons hors d'atteinte de mon petit ami Bobs Bahadur. »

Et j'ai obéi à l'ordre de Mulvaney.




Notes.


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