KIM
Chapitre XI

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Donnez à l'homme qui n'est pas formé
À son métier
Des lames à lancer et attraper,
Des pièces à faire sonner et récupérer,
Des hommes à blesser et soigner,
Des serpents à charmer et tromper —
Sa propre épée le blessera,
Son serpent lui désobéira,
Sa maladresse le trahira,
Le public railleur le méprisera —
Mais non pas le jongleur-né !
Un peu de poussière, une fleur fanée
Un fruit tombé ou un bâton emprunté,
Lui suffisent et grandissent ses charmes,
Tiennent en haleine ou déchaînent les rires.
Mais un homme qui, etc.

La Chanson du jongleur, op. 15 [1].
Suivit une réaction aussi soudaine que naturelle.

« Maintenant me voilà seul — tout seul, pensa-t-il. Dans toute l'Inde il n'y a personne d'aussi seul que moi ! Si je meurs aujourd'hui, qui en portera la nouvelle — et à qui ? Si je vis et que Dieu me soit propice, on mettra ma tête à prix, attendu que je suis un « Fils du Charme » — moi, Kim. »

Beaucoup d'Asiatiques ont cette faculté, que possèdent quelques rares Blancs, de se plonger dans l'extase pour ainsi dire rien qu'en se répétant à eux-mêmes leur nom je ne sais combien de fois et en laissant leur esprit s'affranchir de toute pensée relative à ce que l'on appelle l'identité personnelle. Cette faculté disparaît avec l'âge, mais tant qu'elle dure, elle peut à n'importe quel moment vous échoir.

« Qui est Kim — Kim — Kim ? »

Il s'accroupit dans un coin de la salle d'attente remplie de vacarme, ravi à toute autre pensée, les mains croisées dans le giron, et les pupilles contractées à la grosseur d'une tête d'épingle. Dans une minute — encore une demi-seconde — il sentit qu'il allait arriver à la solution du problème redoutable ; mais là, comme il arrive toujours, son esprit tomba de ces hauteurs avec la soudaineté d'un oiseau blessé ; et, se passant la main sur les yeux, il secoua la tête.

À ce moment, un bairagi (saint homme) hindou à longs cheveux, qui venait de prendre un ticket, s'arrêta devant lui, et le regarda fixement.

« Moi aussi je l'ai perdue, dit-il avec tristesse. C'est une des Portes de la Voie, mais elle est fermée pour moi depuis nombre d'années.

— Que veux-tu dire ? demanda Kim, confondu.

— Tu étais là à te demander quelle sorte de chose ton âme pouvait bien être. L'immobilité est venue tout d'un coup. Je sais. Qui saurait si ce n'est moi. Où vas-tu ?

— Du côté de Kashi (Bénarès).

— Il n'y a pas de Dieux par là. J'en ai fait l'expérience. Je vais à Prayag (Allahabad) pour la cinquième fois — en quête de la route qui mène à la Lumière. De quelle religion es-tu ?

— Moi aussi je suis un Chercheur, dit Kim, en employant un des mots favoris du lama. Quoique (il oublia pour le moment son costume septentrional) quoique Allah seul sache ce que je cherche. »

Le vieux drôle passa la béquille de bairagi sous son aisselle, et s'assit sur un lambeau de peau de léopard rouge, pendant que Kim se levait à l'appel du train de Bénarès.

« Que l'espoir t'accompagne, petit frère, dit-il. La route est longue, qui mène aux pieds de Celui qui est Un [2] ; mais c'est le chemin que tous nous suivons. »

Kim, après cela, ne se trouva plus aussi seul, et il n'avait pas fait vingt milles assis dans le compartiment encombré, qu'il égayait déjà ses voisins d'une kyrielle d'histoires abracadabrantes sur ses dons magiques et ceux de son maître.

Bénarès lui fit l'effet d'une cité particulièrement sale, quoique ce fût charmant de voir combien son habit y était respecté. Un tiers au moins de la population prie éternellement devant un groupe ou un autre des millions et millions de divinités, et révère de même toute espèce de saints hommes. Kim fut conduit au temple des Tirthankaras, à un mille environ en dehors de la ville, près de Sarnath, par un fermier pendjabi rencontré par hasard — un Kamboh des environs de Jullundur, qui avait fait appel en vain à tous les Dieux de sa demeure pour guérir son petit garçon, et, en dernier ressort, essayait ceux de Bénarès.

« Tu es du Nord ? » demanda-t-il, en poussant des épaules dans la bousculade des rues étroites et puantes, un peu comme le faisait à la maison son taureau favori.

« Oui, je connais le Pendjab. Ma mère était une Pahareen, mais mon père venait d'Amritsar — du côté de Jandiala, dit Kim, en tenant sa langue prête pour les besoins de la Route.

— Jandiala — Jullundur ? Oh ! oh, nous sommes en quelque sorte voisins, si l'on peut dire. (Il pencha tendrement la tête sur l'enfant qui geignait dans ses bras.) Au service de qui es-tu ?

— D'un très saint homme au temple des Tirthankaras.

— Ils sont tous on ne peut plus saints et... tout aussi insatiables, dit le Jat avec amertume. J'ai fait le tour des piliers et foulé le sol des temples jusqu'à m'en écorcher les pieds, et l'enfant n'en va pas un brin mieux. Et la mère étant malade aussi... Chut, donc, mon petiot... Nous l'avons changé de nom quand la fièvre est venue. Nous l'avons habillé en fille. Il n'y a rien que nous n'ayons fait, sauf, je l'ai dit à sa mère quand elle m'a expédié à Bénarès — elle aurait dû venir avec moi — j'ai bien dit que Sakhi Sarwar Sultan [3] nous serait plus utile. Nous connaissons sa générosité, tandis que ces Dieux du pays d'en bas, ce sont des étrangers. »

L'enfant se retourna sur l'oreiller que lui formaient les bras énormes et noueux, et regarda Kim par-dessous ses paupières alourdies.

« Et tout cela pour rien ? demanda Kim avec un tranquille intérêt.

— Pour rien — pour rien, dit l'enfant, les lèvres crevassées par la fièvre.

— Les Dieux l'ont doué au moins sous le rapport de l'esprit, dit le père avec orgueil. Penser qu'il écoutait avec tant d'intelligence ! Ton temple est là-bas. Maintenant, je ne suis qu'un pauvre homme — j'ai eu affaire à beaucoup de prêtres — mais mon fils est mon fils, et si un présent à ton maître peut le sauver — je ne sais plus que faire. »

Kim réfléchit quelque temps, tout frémissant d'orgueil. Trois années auparavant il aurait tiré promptement profit de la situation et continué ensuite son chemin sans plus y penser ; mais maintenant, le respect même que le Jat témoignait envers lui prouvait qu'il était un homme. En outre, il avait tâté de la fièvre une ou deux fois déjà, et ne s'y trompait pas trop quand il avait sous les yeux un être mourant d'inanition.

« Fais-le venir et je vais lui promettre par billet mon meilleur joug pour que l'enfant guérisse. »

Kim s'arrêta à la porte extérieure du temple fouillée de sculptures. Un banquier oswal d'Adjmir, tout de blanc vêtu, nouvellement lavé de ses péchés d'usure, lui demanda ce qu'il faisait là.

« Je suis chela du lama Teshoo, un saint du Bhotiyal — qui est ici. Il m'a prié de venir. J'attends. Dis-le-lui.

— N'oublie pas l'enfant, lui cria par-dessus l'épaule le Jat pressant. (Puis il brailla en pendjabi :) Ô Saint Homme — ô disciple du Saint Homme — ô Dieux qui dominez les mondes — considérez l'affliction assise à cette porte. »

Ce cri est si commun dans Bénarès que les passants ne tournèrent pas la tête.

L'Oswal, en paix avec l'humanité, disparut avec le message, dans l'obscurité, et les faciles minutes orientales s'écoulèrent insensiblement ; car le lama dormait dans sa cellule, et nul prêtre ne l'eût réveillé. Quand le cliquetis de son rosaire rompit de nouveau le silence de la cour intérieure où se dressaient les calmes images des Arhats, un novice murmura : « Ton chela est ici », et le vieillard s'avança à grands pas, oubliant la fin de cette prière-là.

À peine la haute silhouette avait-elle paru dans le cadre de la porte, que le Jat se précipita au-devant du lama, et l'enfant dans ses bras, cria :

« Jette un regard sur celui-ci, ô Saint Homme ; et si les Dieux le veulent, il vit — il vit ! »

Il fouilla dans sa ceinture et tira une petite pièce d'argent.

« Qu'est-ce que c'est ? »

Les yeux du lama se tournèrent vers Kim. Il était à remarquer qu'il parlait ourdou beaucoup plus clairement que jadis sous Zam-Zammah ; mais le père ne voulait pas de conversation particulière.

« Il s'agit d'une simple fièvre, dit Kim. L'enfant se nourrit mal.

— Il est dégoûté de tout, et sa mère n'est pas ici.

— Si on le permet, je peux le guérir, Saint Homme.

— Quoi ! Est-ce qu'ils ont fait de toi un guérisseur ? Attends un peu », dit le lama.

Et il s'assit auprès du Jat sur la dernière marche du temple, pendant que Kim, avec un regard du coin de l'œil, ouvrait lentement la petite boîte à bétel. À l'école, il avait rêvé de revenir au lama sous l'aspect d'un sahib — d'intriguer le vieillard avant de se faire reconnaître — toutes imaginations de gamin. Il y avait quelque chose de plus tragique à chercher ainsi, l'air préoccupé, les sourcils froncés, parmi les bouteilles à cachets, en s'arrêtant ici et là pour méditer, avec par moments le murmure d'une invocation. De la quinine, il en avait en pilules, ainsi que des comprimés de viande brun foncé — du bœuf fort probablement, mais ce n'était pas son affaire. Le petit être ne voulait pas manger, mais il suça le comprimé goulûment, et déclara qu'il aimait le petit goût salé.

« Prends alors ces six-là. (Kim les tendit à l'homme.) Rends gloire aux Dieux, et fais-en bouillir trois dans du lait, les trois autres dans l'eau. Quand il aura bu le lait, donne-lui ceci (c'était la moitié d'une pilule de quinine), et enveloppe-le chaudement. Donne-lui, à son réveil, l'eau des trois autres, ainsi que l'autre moitié de la pilule blanche. En attendant, voici encore une médecine brune qu'il peut sucer pendant le retour.

— Dieux, quel savoir ! » dit le Kamboh, en tendant avidement les mains.

C'était tout ce que Kim pouvait se rappeler de son propre traitement dans un accès de malaria d'automne — si l'on excepte le boniment qu'il ajouta pour impressionner le lama.

« Va, maintenant ! Tu reviendras demain matin.

— Mais le prix — le prix, dit le Jat. (Et il rejeta en arrière ses robustes épaules.) Mon fils est mon fils. Maintenant qu'il va être de nouveau bien portant, comment retourner à sa mère pour lui dire que j'ai trouvé de l'aide au bord de la route et qu'en retour je n'ai pas même donné une écuelle de lait caillé ?

— Ils sont tous les mêmes, ces Jats, dit Kim avec douceur. « Le Jat se tenait debout sur son tas de fumier et les éléphants du roi vinrent à passer par là. — Ô cornac, dit-il, combien veux-tu vendre ces petits ânes-là ? »

Le Jat partit d'un bruyant éclat de rire, et s'étrangla de rire et d'excuses auprès du lama.

« C'est la manière de dire de mon pays — sa façon même de parler. C'est ainsi que nous sommes tous, nous autres Jats. Je viendrai demain avec l'enfant ; et que la bénédiction des Dieux du Foyer — qui sont de bons petits Dieux — soit sur vous deux... Maintenant, fils, nous allons redevenir forts. Ne la recrache pas, mon Petit Prince ! Roi de mon Cœur, ne la recrache pas, et demain matin nous allons être des hommes vigoureux, des lutteurs, des manieurs de bâton. »

Il s'éloigna, chantonnant et mâchonnant des mots. Le lama se retourna vers Kim, et toute la vieille âme aimante qui était en lui passa entre ses paupières bridées.

« C'est s'acquérir du mérite que de guérir le malade ; mais, d'abord, il faut acquérir la science. Ce fut sagement fait, ô Ami de Tout au Monde.

— Si je suis sage, c'est grâce à toi. Saint Homme », dit Kim, oubliant la petite comédie qui venait de finir, oubliant Saint-Xavier, son sang blanc et jusqu'au Grand Jeu, comme il se baissait, à la façon des Mahométans, pour toucher les pieds de son maître dans la poussière du temple jain. « Je te dois l'enseignement que j'ai reçu. J'ai pendant trois ans mangé ton pain. Mon temps est fini. Je suis affranchi de l'école. Je viens à toi.

— C'est là qu'est ma récompense. Entre ! Entre ! Et tout va bien ? (Ils passèrent dans la cour intérieure, où le soleil de l'après-midi faisait tomber en biais ses rais d'or.) Arrête-toi, que je te voie. Comme cela ! (Il regarda en connaisseur.) Ce n'est plus un enfant, c'est un homme, mûr en sagesse, qui, sur sa route, fait œuvre de médecin. J'ai bien fait — bien fait quand, en cette nuit sombre, je t'ai donné aux hommes d'armes. Te rappelles-tu notre premier jour sous Zam-Zammah ?

— Oui, dit Kim. Te rappelles-tu quand j'ai sauté de la voiture, le premier jour où j'allais aux...

— Aux Portes de la Science ? Si je me le rappelle ? Et le jour où nous avons mangé des gâteaux ensemble derrière la rivière, près de Nucklao. Ah ! ah ! Bien des fois tu as mendié pour moi, mais, ce jour-là, j'ai mendié pour toi.

— La bonne raison, dit Kim. J'étais alors écolier derrière les Portes de la Science, et attifé en sahib. N'oublie pas, Saint Homme, continua-t-il avec enjouement, que je suis encore un sahib — grâce à toi.

— C'est vrai. Et un sahib qu'on tient en la plus haute estime. Viens à ma cellule, chela.

— Comment le sais-tu ? »

Le lama sourit.

« D'abord par des lettres du prêtre bienveillant que nous avons rencontré dans le camp des hommes d'armes ; mais il est parti maintenant pour son pays, et c'est à son frère que j'ai dû envoyer l'argent. (Le colonel Creighton, qui avait pris comme dépositaire la succession du père Victor quand ce dernier partit pour l'Angleterre avec les Mavericks, n'était pas exactement le frère du chapelain.) Mais je ne comprends pas bien les lettres des sahibs. Il faut qu'on me les interprète. J'ai choisi un moyen plus sûr. Maintes fois, quand je revenais de ma Recherche et regagnais ce temple qui a toujours été pour moi comme un nid, s'est présenté quelqu'un en quête de la Lumière — un homme de Leh — qui avait été, disait-il, hindou, mais s'était fatigué de tous ces Dieux-là. »

Le lama désigna les Arhats.

« Un gros homme ? demanda Kim, dans l'œil duquel brilla une étincelle.

— Très gros ; mais je ne fus pas longtemps sans deviner que son esprit tout entier était adonné à des choses inutiles — telles que les diables et les charmes, la forme et le cérémonial de nos beuveries de thé dans les monastères, et la façon dont nous nous y prenons pour initier les novices. Un homme tout rempli de questions ; mais un de tes amis, chela. Il me dit que tu étais, comme scribe, sur la route des plus grands honneurs. Et je vois que tu es médecin.

— Oui, c'est ce que je suis — un scribe, quand je suis un sahib, mais je mets cela de côté lorsque je viens vers toi à titre de disciple. J'ai accompli les années fixées pour devenir un sahib.

— Comme qui dirait un novice ? dit le lama en hochant la tête. Es-tu affranchi des écoles ? Je ne voudrais pas t'avoir avant ton heure.

— Je suis entièrement libre. En temps voulu j'entre au service du Gouvernement comme scribe...

— Pas comme guerrier. Voilà qui va bien.

— Mais, d'abord, je viens vagabonder... avec toi. C'est pour cela que je suis ici. Qui est-ce qui mendie pour toi en ce moment ? » continua-t-il vivement.

Le terrain était brûlant.

« Je mendie très souvent moi-même ; mais comme tu sais, je suis rarement ici, sauf quand je viens revoir mon disciple. D'un bout à l'autre de Hind j'ai voyagé à pied et dans le te-rain. Un grand et merveilleux pays. Mais ici, dès que j'entre, c'est comme si j'étais dans mon Bhotiyal. »

Il jeta un regard complaisant tout autour de la petite cellule propre. Un coussin bas lui faisait un siège sur lequel il s'était installé, les jambes croisées, dans l'attitude du Bodhisat sortant de méditation ; une table en bois de teck noir, haute de vingt pouces à peine, garnie de tasses à thé en cuivre, était devant lui. Dans un coin se dressait un tout petit autel, lui aussi de teck tout fouillé de sculptures, portant l'image, en cuivre doré, du Bouddha assis, et flanqué d'une lampe, d'un encensoir et d'une paire de vases à fleurs en cuivre.

« Le Gardien des Images dans la Maison des Merveilles s'est acquis du mérite en me les donnant, il y a un an, dit-il en suivant l'œil de Kim. Quand on est loin de son pays, ce sont des choses qui en rappellent le souvenir ; et nous devons hommage au Seigneur, car il a montré la Voie. Regarde ! (Il désigna un monceau de riz coloré, dressé de façon curieuse, et couronné d'un fantastique ornement de métal.) Quand j'étais abbé chez moi — avant d'arriver à une meilleure connaissance des choses — je faisais quotidiennement cette offrande. C'est le sacrifice de l'Univers au Seigneur. C'est notre façon à nous autres du Bhotiyal d'offrir chaque jour le monde à la Loi par Excellence. Et je le fais même maintenant que je sais que l'Excellent est au-dessus des petits moyens et de la flatterie. »

Il puisa une prise dans sa gourde.

« Tout cela est bien. Saint Homme, murmura Kim, en s'enfonçant à l'aise dans les coussins, très heureux et quelque peu las.

— Et, dit le vieillard avec un petit rire, je trace aussi des tableaux de la Roue de Vie. Trois jours pour faire un tableau. J'y étais occupé — à moins que peut-être j'eusse un peu fermé les yeux — quand on est venu t'annoncer. C'est bon de t'avoir ici : je te montrerai mon art — non par orgueil, mais parce qu'il faut que tu apprennes. Les sahibs n'ont pas en privilège toute la sagesse de ce monde. »

Il tira de dessous la table un cahier de papier de Chine jaune d'une odeur étrange, les pinceaux et une tablette d'encre de Chine. En une esquisse aussi nette que sévère il avait tracé la Grande Roue avec ses six rayons, dont le centre est formé par la réunion du Porc, du Serpent et de la Colombe (Ignorance, Colère et Luxure), et dont les compartiments sont tous les ciels et tous les enfers, et tous les hasards de l'humaine vie. On dit que c'est le Bodhisat Lui-même qui, le premier, la traça sur la poussière avec des grains de riz pour apprendre à ses disciples la cause des choses [4]. Les siècles l'ont cristallisée en une agglomération fort étonnante de centaines de petites figures dont chaque trait a sa signification. Peu d'hommes sont capables de traduire le dessin-parabole ; il n'y en a pas vingt dans le monde entier, qui puissent le tracer d'une main sûre sans modèle, et il n'y en a que trois capables à la fois de le tracer et de l'interpréter.

« J'ai appris un peu à dessiner, dit Kim. Mais ceci, c'est la merveille des merveilles.

— Je l'ai dessinée il y a des années, dit le lama. Il fut un temps où je pouvais la dessiner toute entre l'heure d'allumer les lampes et celle où on les rallume. Je t'enseignerai l'art — après due préparation ; et je te montrerai ce que veut dire la Roue.
— Nous reprenons la Route alors ?

— La Route et notre Recherche. Je n'attendais que toi. Il m'a été clairement démontré dans cent rêves — surtout en un que je fis la nuit où les Portes de la Science se sont refermées pour la première fois — que, sans toi, je ne trouverais jamais ma Rivière. À maintes reprises, comme tu sais, j'ai éloigné cela de moi, craignant une illusion. C'est pourquoi je ne t'ai pas emmené ce jour où, à Lucknow, nous mangions les gâteaux. Je ne voulais pas t'emmener avant le moment mûr et propice. Je suis allé des montagnes à la mer, de la mer aux montagnes, mais en vain. Alors je me suis rappelé le Jâtaka. »

Il raconta à Kim l'histoire de l'éléphant à l'anneau de fer, comme il l'avait racontée si souvent aux prêtres jaïns [5].

« Nul besoin d'autre témoignage, dit-il avec sérénité, pour finir. Tu m'as été envoyé comme une aide. Cette aide une fois retirée, ma Recherche a été réduite à néant. C'est pourquoi nous allons repartir ensemble, et notre Recherche est sûre de réussir.

— Où allons-nous ?

— Qu'importe, Ami de Tout au Monde ! La Recherche, je te le répète, est sûre. Si besoin est, la Rivière sourdra du sol devant nous. Je me suis acquis du mérite en t'envoyant aux Portes de la Science et en te donnant le joyau qui a nom Sagesse. Tu reviens, je m'en suis aperçu tout à l'heure, disciple de Sakyamuni [6], le Médecin, dont les autels sont nombreux dans Bhotiyal. Cela suffit. Nous sommes ensemble, et toutes choses se trouvent comme elles étaient — Ami de Tout au Monde — Ami des Étoiles — mon chela ! »

Alors ils parlèrent d'affaires séculières ; mais il était à remarquer que jamais le lama ne lui demandait de détails sur sa vie à Saint-Xavier, ni ne montrait la plus légère curiosité à l'égard des mœurs et coutumes des sahibs. Son esprit évoluait tout entier dans le passé, et il revécut chaque pas de leur merveilleux et premier voyage ensemble, se frottant les mains et pris de petits rires, jusqu'au moment où il trouva bon de se ramasser sur lui-même pour se laisser aller au soudain sommeil de l'âge.

Kim regarda les derniers rayons poudreux du soleil disparaître de la cour et se mit à jouer avec son poignard à écarter les ombres et son rosaire. La clameur de Bénarès, la plus vieille de toutes les villes de la terre, jour et nuit éveillée devant les Dieux, battait autour des murs comme le rugissement de la mer autour d'un brise-lames. De temps à autre un prêtre jaïn traversait la cour, porteur de quelque petite offrande aux images, et balayait le sentier autour de lui de peur que le hasard lui fît prendre la vie de quelque créature vivante [7]. Une lampe scintilla, et le bruit d'une prière suivit. Kim épia les étoiles au fur et à mesure que, l'une après l'autre, elles se levaient dans l'obscurité tranquille et moite, jusqu'au moment où il tomba endormi au pied de l'autel Cette nuit-là il rêva en hindoustani, sans le plus petit mot d'anglais...

« Saint Homme, et l'enfant à qui nous avons donne la médecine ? dit-il, vers trois heures du matin, comme le lama, qui s'éveillait aussi de ses rêves, voulait se mettre en route pour commencer leur pèlerinage. Le Jat sera ici au jour.

— C'est bien répondu. Dans ma hâte, j'allais commettre un dommage. (Il s'assit sur les coussins et revint à son rosaire.) C'est sûr que les vieilles gens sont comme les enfants, dit-il d'un ton pathétique. Ils désirent quelque chose — bon, ils le pleurent ! Maintes fois sur la Route j'ai été prêt à frapper du pied devant l'obstacle d'un char à bœufs dans le chemin, ou devant un simple nuage de poussière. Il n'en allait pas ainsi lorsque j'étais un homme — il y a longtemps. En tout cas, c'est bien mal.

— Mais tu es vieux, en effet. Saint Homme.

— Le mal est fait. Une cause s'est trouvée lancée dans le monde, et, vieux ou jeune, malade ou sain, instruit ou non, qui donc peut tenir en bride l'effet de cette cause ? La Roue reste-t-elle en suspens parce que c'est un enfant — ou un ivrogne — qui la fait tourner ? Chela, ceci est un monde vaste et terrible.

— Je le trouve bon, dit Kim en bâillant. Qu'est-ce qu'il y a à manger ? je n'ai pas mangé depuis hier soir.

— J'avais oublié tes besoins. Il y a là d'excellent thé du Bhotiyal et du riz froid.

— Nous n'irons pas loin avec un pareil menu. »

Kim éprouvait toutes les convoitises d'un Européen pour la viande, laquelle n'a pas accès dans un temple jaïn. Toutefois, au lieu de sortir sur-le-champ avec la sébile de mendiant, il se soutint à l'aide de portions de riz froid jusqu'au grand jour. Celui-ci amena le fermier tout débordant et balbutiant de gratitude.

« Dans la nuit la fièvre a cessé et la sueur est venue, cria-t-il. Tâtez voir — il a la peau fraîche et refaite ! Il a fort goûté les comprimés et bu le lait avec avidité. »

Il enleva l'étoffe qui recouvrait le visage de l'enfant, et celui-ci sourit à Kim d'un air assoupi. Un petit groupe de prêtres jaïns, silencieux, mais ne perdant rien, se forma près de la porte du temple. Ils savaient, et Kim savait qu'ils savaient, que le vieux lama avait retrouvé son disciple. En gens courtois, ils ne s'étaient rendus importuns dans la soirée pas plus par leur présence que par un mot ou même un geste. Aussi, Kim les en récompensa-t-il au lever du soleil.

« Remercie les Dieux des Jaïns, frère, dit-il, sans savoir comment ces dieux s'appelaient. La fièvre est en effet passée.

— Regardez ! Voyez ! (Le lama, du fond de la pénombre, semblait rayonner sur ses hôtes de trois années.) Vit-on jamais pareil chela ? Il suit la règle de notre Seigneur le Guérisseur. »

Or, les Jaïns reconnaissent officiellement tous les Dieux de la foi hindoue, aussi bien que le Lingam et le Serpent [8]. Ils portent le cordon brahmanique [9] ; ils reconnaissent tous les droits de la loi de caste hindoue. Mais parce qu'ils connaissaient et aimaient le lama, que c'était un vieillard, qu'il cherchait la Voie, que c'était leur hôte, et qu'il avait de longs colloques la nuit avec le chef des prêtres — un métaphysicien aussi libre penseur qu'il y en eut jamais pour fendre un cheveu en soixante-dix — ils firent entendre un murmure d'assentiment.

« Rappelle-toi (Kim se pencha sur l'enfant) que ce mal peut revenir.

— Pas si tu as le mot magique qu'il faut, dit le père.

— Mais nous partons dans un moment.

— C'est vrai, dit le lama à tous les Jaïns. Nous partons maintenant ensemble pour cette Recherche dont je vous ai si souvent parlé. J'attendais que mon chela fût mûr. Regardez-le ! Nous allons dans le Nord. Jamais plus mon regard ne se portera sur ce lieu de mon repos, ô gens de bon vouloir.

— Mais, je ne suis pas un mendiant. »

Le cultivateur se releva en saisissant l'enfant.

« Reste tranquille. Ne trouble pas le Saint Homme, s'écria un prêtre.

— Va-t'en, dit Kim tout bas. Tu nous retrouveras sous le grand pont du chemin de fer, et au nom de tous les Dieux de notre Pendjab, apporte à manger — curry, légumes, gâteaux frits dans la graisse, et sucreries. Surtout des sucreries. Fais vite ! »

La pâleur de la faim seyait fort bien à Kim qui se tenait debout, grand et svelte, dans ses robes traînantes de couleur sombre, une main sur son rosaire, et l'autre faisant le geste de bénédiction, fidèlement copié sur celui du lama. Un observateur anglais aurait dit qu'il ressemblait plutôt à un jeune saint de vitrail, alors que ce n'était qu'un gaillard en pleine croissance, mourant de faim.

Longs et cérémonieux furent les adieux, terminés trois fois et trois fois renouvelés. Le Chercheur — celui qui avait invité le lama à venir du Tibet tout là-bas, en cet asile, un ascète au visage brillant comme l'argent et glabre — n'y prit aucune part et se contenta de méditer, comme toujours, seul parmi les images. Les autres se montrèrent fort humains, insistant auprès du vieillard pour lui faire accepter de petites douceurs : une boîte à bétel, une écritoire en beau fer neuf, un sac à provisions, et autres choses semblables — le prémunissant contre les dangers du monde extérieur, et prophétisant une heureuse issue à la Recherche. Pendant ce temps, Kim, plus seul que jamais, s'était accroupi sur les marches et jurait intérieurement dans le langage de Saint-Xavier.

« Mais c'est bien ma faute, conclut-il. Avec Mahbub, je mangeais le pain de Mahbub ou celui de Lurgan sahib. À Saint-Xavier, trois repas par jour. Ici il faut que je prenne joliment garde à ne pas m'oublier. En outre, je ne me sens pas en forme. Comme je mangerais bien en ce moment une bonne assiettée de bœuf [10] !... Est-ce tout. Saint Homme ? »

Le lama, les deux mains en l'air, entonna une bénédiction finale en chinois fleuri.

« Je suis obligé de m'appuyer sur ton épaule, dit-il, comme les portes du temple se refermaient. Nous nous ankylosons, je crois. »

Le poids d'un homme de six pieds n'est pas peu de chose à soutenir durant des milles de rues encombrées ; aussi Kim, surchargé de paquets et de colis pour la route, fut-il bien content d'atteindre l'ombre du pont de chemin de fer.

« Nous mangeons ici, dit-il résolument, tandis que le Kamboh, tout souriant dans sa robe bleue, paraissait, un panier d'une main et l'enfant de l'autre.

— À table, Saints Hommes ! cria-t-il de cinquante mètres. (Ils étaient près d'un banc de sable sous la première arche du pont, hors de vue des prêtres affamés.) Du riz et du bon curry, des crêpes toutes chaudes et bien parfumées au hing (assa fœtida), du lait caillé et du sucre. Roi de mes champs (ceci à l'enfant), montrons à ces saints hommes que nous autres Jats de Jullundur savons reconnaître un service... J'avais entendu dire que les Jaïns ne mangeaient rien qui n'eût été cuit par eux, mais, à vrai dire (il tourna poliment les yeux sur l'autre rive du large fleuve), où il n'est pas d'œil il n'est pas de caste.

— Et nous, dit Kim, en tournant le dos et en remplissant une assiette de feuilles pour le lama, nous sommes au-dessus de toutes castes. »

Ils se gorgèrent de la bonne nourriture en silence. Ce ne fut qu'après avoir léché à son petit doigt le dernier grumeau qui s'y trouvait collé, que Kim remarqua que le Kamboh aussi était habillé pour le voyage.

« Si notre route est la même, dit l'homme d'un ton rude, je vais avec toi. On ne trouve pas tous les jours un faiseur de miracles, et l'enfant est encore faible. Mais moi, je ne suis pas tout à fait un roseau. (Il ramassa son lathi — un bambou mâle de cinq pieds, cerclé de bandes de fer poli — et fit le moulinet.) On dit les Jats querelleurs, mais ce n'est pas vrai. Sauf quand on nous contrarie, nous ressemblons à nos buffles.

— Soit, dit Kim. Un bon bâton peut servir de bonne raison. »

Le lama regardait d'un œil placide l'amont du fleuve où, en longue perspective barbouillée, s'élèvent, des ghats crématoires [11], les incessantes colonnes de fumée. De temps à autre, en dépit de tous les règlements municipaux, quelque fragment de corps à demi consumé s'en venait à renfort de plongeons au beau milieu du courant.

« Sans toi, dit le Kamboh, en pressant l'enfant contre sa poitrine velue, peut-être m'eût-il fallu aujourd'hui me rendre là avec celui-ci. Les prêtres nous disent que Bénarès est sainte — ce dont personne ne doute — et qu'il est enviable d'y mourir. Mais je ne connais pas leurs Dieux, et ils demandent de l'argent ; et quand on fait un sacrifice, il y a toujours une tête tondue [12] pour affirmer solennellement qu'il ne sera utile que si l'on en fait un autre. Lavez-vous ici ! Lavez-vous là ! Répandez l'eau, buvez-en, baignez-vous dedans, et jetez-lui des fleurs — mais payez toujours les prêtres. Non, pour moi, il n'y a que le Pendjab, et le sol du doab de Jullundur à cause de sa bonne terre.

— J'ai dit à maintes reprises — au temple, je crois — que, s'il le faut, la Rivière jaillira à nos pieds. Nous allons donc nous diriger vers le Nord, dit le lama en se levant. Je me rappelle un lieu plaisant, tout rempli d'arbres fruitiers, où l'on peut se promener en méditant — l'air y est plus frais, il vient des Montagnes et de la neige des Montagnes.

— Et il s'appelle ? demanda Kim.

— Comment saurais-je ? Mais toi, ne le sais-tu pas ? — non, c'était après que l'armée fut sortie de terre pour t'emmener. Je demeurai là dans une chambre près du colombier, à méditer — sauf quand elle se livrait à son étemel bavardage.

— Oh, oh ! la femme de Kulu. C'est près de Saharunpore, dit Kim en riant.

— Comment l'esprit se manifeste-t-il en ton maître ? Va-t-il à pied à cause d'anciens péchés ? demanda le Jat prudemment. Il y a une fameuse trotte d'ici à Delhi.

— Non, dit Kim. Je vais mendier un tikkut pour le te-rain. »

Dans l'Inde, lorsqu'on a de l'argent, on ne le confesse pas.

« Alors, au nom des Dieux, prenons vite la voiture à feu. Mon fils est mieux dans les bras de sa mère. Le Gouvernement nous a accablés de taxes nombreuses, mais il nous donne une bonne chose — le te-rain qui réunit les amis et groupe les gens inquiets. Une chose étonnante que le te-rain. »

Deux heures plus tard, ils s'empilèrent tous dedans, et passèrent le temps de la grosse chaleur à dormir. Le Kamboh accabla Kim de dix mille questions sur les voyages du lama et son travail dans la vie, et reçut quelques réponses assez drôles. Kim se trouvait bien où il était, à laisser errer ses yeux sur le plat paysage du Nord-Ouest et à causer avec le flot changeant des compagnons de voyage. Même aujourd'hui, les tickets et le poinçonnage des tickets semblent aux campagnards hindous la plus noire des oppressions. Ils ne comprennent pas, lorsqu'ils ont payé un bout de papier magique, pourquoi des étrangers enlèvent à l'emporte-pièce de gros morceaux du charme. Aussi, longs et furieux sont les débats entre voyageurs et contrôleurs eurasiens. Kim vint en aide à deux ou trois d'entre eux par de graves conseils, destinés à obscurcir le débat et à faire parade de sa sagesse devant le lama et le Kamboh rempli d'admiration. Mais à Somna Road le Destin lui envoya matière à penser. Là, tomba dans le compartiment, au moment où le train s'ébranlait, un petit personnage maigre, minable — un Mahratte, autant que Kim put en juger au retroussis de l'étroit turban. Il avait une coupure au visage, de grandes déchirures dans la mousseline de son vêtement de dessus, et une jambe bandée. Il leur raconta qu'une charrette de campagne avait versé et qu'il avait été presque écrasé : il allait à Delhi où habitait son fils. Kim l'observa de près. Si, comme il l'affirmait, il avait été roulé par terre autant que cela, il aurait eu sur la peau des traces d'éraflures causées par le gravier. Or, toutes ses blessures avaient l'air de coupures nettes, et une simple chute de voiture ne pouvait plonger un homme dans un tel excès de terreur. Comme du bout de ses doigts tremblants il nouait l'étoffe déchirée autour de son cou, il laissa voir une amulette du genre de celles qu'on appelle un « soutien du cœur ». Or, les amulettes sont choses assez communes, mais elles ne sont point en général passées à un fil de cuivre tressé en carré, et il en est encore moins qui portent de l'émail sur argent. Il n'y avait personne autre que le Kamboh et le lama dans le compartiment, lequel par bonheur était d'un vieux modèle aux côtés pleins. Kim fit semblant de se gratter la poitrine, et en même temps tira sa propre amulette. À cette vue, le visage du Mahratte subit une complète transformation, et il disposa la sienne bien en évidence sur sa poitrine.

« Oui, continua-t-il, en s'adressant au Kamboh, j'étais pressé, et la charrette, conduite par une espèce de bâtard, a pris sa roue dans un fossé, et outre le mal que je me suis fait, j'ai perdu là tout un plat de tarkeean. Ah ! ce jour-là, je n'étais pas un Enfant du Charme (un veinard).

— C'est une grande perte », dit le Kamboh, en cessant de s'intéresser.

Son expérience de Bénarès l'avait rendu soupçonneux.

« Qui est-ce qui l'avait préparé ? demanda Kim.

— Une femme. »

Le Mahratte leva les yeux.

« Mais toutes les femmes savent cuire le tarkeean, dit le Kamboh. C'est du bon curry, si je ne me trompe.

— Oh ! oui, c'est du bon curry, dit le Mahratte.

— Et pas cher, dit Kim. Mais la caste ?

— Oh ! il n'y a pas de caste où les hommes vont... chercher du tarkeean, répondit le Mahratte, en observant l'arrêt prescrit. Au service de qui es-tu ?

— Au service de ce Saint Homme. »

Kim désigna le lama assoupi dans son bonheur, lequel s'éveilla en sursaut au mot aimé.

« Ah ! il a été envoyé du Ciel pour me venir en aide. On l'appelle l'Ami de Tout au Monde. On l'appelle aussi l'Ami des Étoiles. Son temps est mûr, et il fait profession de médecin. Grande est sa sagesse.

— Et Fils du Charme, ajouta Kim tout bas, tandis que le Kamboh se hâtait de préparer une pipe, de peur que le Mahratte ne mendiât.

— Et cet autre ? demanda le Mahratte, en jetant nerveusement un coup d'œil de côté.

— Un homme dont j'ai... dont nous avons guéri l'enfant, et qui nous doit beaucoup — assieds-toi près de la fenêtre, homme de Jullundur. Voici un malade.

— Hum ! Je n'ai nullement le désir de me commettre avec les ruffians que le hasard me fait rencontrer. Moi, je n'ai pas les oreilles longues. Je ne suis pas une femme moi, pour vouloir surprendre les secrets. »

Le Jat se laissa tomber lourdement dans un coin éloigné.

« Êtes-vous quelque peu guérisseur ? Je suis enfoncé jusqu'au cou dans le malheur, s'écria le Mahratte, en saisissant la balle au bond.

— Cet homme est coupé et meurtri partout. Je vais le guérir, reprit Kim. Personne n'est intervenu entre ton bébé et moi.

— Je mérite ce reproche, dit le Kamboh avec douceur. Je suis ton débiteur pour la vie de mon fils. Tu es un faiseur de miracles... Je le sais.

— Montre-moi les coupures. »

Kim se pencha sur le cou du Mahratte, le cœur battant au point d'en perdre presque le souffle ; car c'était le Grand Jeu dans toute sa beauté.

« Maintenant, raconte-moi ton histoire en deux mots, frère, pendant que je répète un charme.

— Je viens du Sud où j'ai mon travail. On a égorgé l'un de nous le long de la route. En as-tu entendu parler ? (Kim secoua la tête. Il ne savait naturellement rien du prédécesseur de E. 23, égorgé dans le Sud sous l'habit d'un marchand arabe.) Après avoir trouvé certaine lettre que l'on m'avait envoyé chercher, je suis parti. Je me suis esquivé de la ville et j'ai couru à Mhow. J'étais tellement sûr que personne ne savait rien, que je ne m'étais pas déguisé le visage. À Mhow, une femme m'accuse d'un vol de bijoux dans la ville que je venais de quitter. Là-dessus je m'aperçois que tout le monde est contre moi. Je m'échappe de Mhow la nuit, en soudoyant la police, qui, de son côté, avait été soudoyée pour me livrer sans question à mes ennemis dans le Sud. Puis je reste une semaine dans la vieille ville de Chitor comme pénitent dans un temple, mais sans pouvoir me débarrasser de la lettre dont j'avais la charge. Je finis par l'enterrer sous la Pierre de la Reine, à Chitor, à l'endroit que nous connaissons tous. »

Kim ne le connaissait pas, mais il n'aurait pour tout l'or du monde interrompu le fil de l'histoire.

« À Chitor, remarquez bien, j'étais au beau milieu du pays des Rois [13] ; car Kotah à l'est échappe au contrôle de la Reine, et plus à l'est encore se trouvent Jaipur et Gwalior. Ni l'une ni l'autre n'aiment les espions, et on ne peut y espérer de justice. Je suis traqué comme un chacal mouillé, mais je me fais jour jusqu'à Bandakui où j'apprends qu'on m'accuse de meurtre dans la ville que je viens de quitter — du meurtre d'un jeune garçon. Ils ont à la fois le cadavre et les témoins tout prêts.

— Mais le Gouvernement ne peut-il pas te protéger ?

— Nous autres du Jeu sommes hors de protection. Si nous mourons, nous mourons. On efface nos noms du livre. C'est tout. À Bandakui, où habite l'un de nous, je pense faire perdre ma piste en me changeant le visage, et c'est ainsi que je me déguise en Mahratte. Alors je viens à Agra, et j'allais m'en retourner à Chitor pour reprendre la lettre. J'étais si sûr de leur avoir échappé. Aussi je n'ai envoyé de tar (télégramme) à personne pour dire où la lettre se trouvait. Je voulais garder pour moi tout le crédit de l'affaire. »

Kim approuva d'un signe de tête. C'était un sentiment qu'il comprenait trop bien.

« Mais à Agra, comme je me promenais par les rues, voilà qu'un homme m'accuse tout haut de lui devoir de l'argent, et, s'approchant avec de nombreux témoins, veut sur-le-champ me traîner en justice. Oh ! ils ne sont pas bêtes dans le Sud. Il me reconnaissait comme son agent pour le coton. Puisse-t-il pour cela rôtir en Enfer !

— Et l'étais-tu ?

— Bêta ! J'étais l'homme qu'ils cherchaient pour l'affaire de la lettre ! Je me sauve dans le Quartier des Bouchers et sors par la Maison du Juif, lequel, craignant une émeute, me pousse dehors. Je suis venu à pied à Somna Road — j'avais tout juste l'argent de mon tikkut pour Delhi — et là, tandis que je gisais dans un fossé avec la fièvre, quelqu'un s'élance hors des buissons, me rosse, me blesse et me fouille de la tête aux pieds. Tout cela à portée de voix du te-rain !

— Pourquoi n'en a-t-il pas profité pour t'égorger ?

— Ils ne sont pas si bêtes. Si je suis pincé à Delhi sur la demande des gens de loi et sous l'inculpation de meurtre avec preuves à l'appui, on passe mon corps à l'État qui le demande. Je retourne sous escorte, et alors — je meurs — lentement — pour servir d'exemple au reste d'entre nous. Le Sud n'est pas mon pays. Je cours en cercles — comme une chèvre borgne. Je n'ai pas mangé depuis deux jours. J'ai des marques (il toucha le bandage sale qui entourait sa jambe) qui me feront connaître d'eux à Delhi.

— En tout cas, dans le te-rain, tu es sauf.

— Reste un an dans le Grand Jeu, et ose ensuite répéter cela ! Les fils télégraphiques me précèdent à Delhi, décrivant chacun des accrocs, chacune des loques que j'ai sur le corps. Vingt personnes, cent, s'il le faut— m'auront vu égorger ce jeune garçon. Et tu n'y peux rien ! »

Kim enrayait assez sur le genre d'attaque des indigènes pour ne pas douter que l'affaire ne fût admirablement contée — tout, jusqu'au cadavre. Le Mahratte se tirait brusquement les doigts de temps en temps avec douleur. Le Kamboh, dans son coin, lançait des regards maussades ; le lama était absorbé par les grains de son rosaire ; et Kim, tout en tâtonnant le cou de l'homme à la façon d'un docteur, élaborait son plan entre quelques invocations.

« As-tu un charme pour me changer de forme ? Autrement je suis mort. Cinq — dix minutes seul, si je n'avais pas été serré de si près, et je pouvais...

— Est-il enfin guéri, faiseur de miracles ? demanda jalousement le Kamboh. Tu as chanté assez longtemps.

— Non. Il n'y a pas de remèdes pour ses blessures, à ce que je vois, à moins qu'il ne reste assis trois jours sous l'habit d'un bairagi. »

C'est une pénitence assez commune, qu'imposent souvent aux gros commerçants repus leurs directeurs spirituels.

« Un prêtre cherche toujours à faire un autre prêtre », fut-il répondu.

Comme presque tous les gens de superstition grossière, le Kamboh ne pouvait s'empêcher de tourner en dérision son Église.

« Est-ce donc que ton fils deviendra prêtre ? Il est temps qu'il reprenne de ma quinine.

— Nous autres Jats nous sommes tous des buffles », dit le Kamboh, en s'adoucissant de nouveau.

Kim frotta d'un peu d'amertume sur le bout de son doigt les petites lèvres confiantes de l'enfant.

« Je n'ai rien demandé, dit-il sévèrement au père, que de la nourriture. Est-ce que tu la regrettes ? Je vais guérir un autre homme. M'y autorises-tu — mon prince ? »

Les énormes mains de l'homme se tendirent suppliantes.

« Non... non. Ne te moque pas de moi ainsi.

— Il me plaît de soigner ce malade. Tu t'acquerras du mérite en m'aidant. De quelle couleur est la cendre, là, dans le fourneau de ta pipe ? Blanche ! C'est favorable. Y avait-il du curcuma [14] parmi toute ta mangeaille ?

— Je... je...

— Ouvre ton paquet ! »

C'était l'habituelle collection de petits riens bizarres : bouts d'étoffe, médicaments de charlatan, présents à bon marché achetés à la foire, une pleine serviette d'atta — fleur de farine indigène de couleur grisâtre et grossièrement moulue — carottes de tabac du Sud, tuyaux de pipe de camelote, et un paquet d'ingrédients à curry, le tout enveloppé dans une courtepointe. Kim le retourna sens dessus dessous de l'air d'un sorcier avisé, en murmurant une invocation mahométane.

« C'est la sagesse que j'ai apprise des sahibs, murmura-t-il au lama. (Et, à ce propos, quand on se reporte à son éducation chez Lurgan, il ne disait que la vérité.) Il y a dans la destinée de cet homme, comme l'indiquent les étoffes, un grand mal qui le tourmente. Faut-il faire disparaître ce mal ?

— Ami des Étoiles, tout ce que tu fais est bien fait. Qu'il en soit selon ton bon plaisir. S'agit-il d'une autre guérison ?

— Vite ! Fais vite ! haleta le Mahratte. Le train peut stopper.

— Une guérison au seuil de la mort », dit Kim, en ajoutant la farine du Kamboh au charbon et à la cendre de tabac mélangés dans le fourneau de terre rouge de la pipe.

E. 23, sans un mot, fit tomber son turban, et secoua sur son col ses longs cheveux noirs.

« C'est mon manger — prêtre, grogna le Jat.

— Un buffle dans le temple ! C'est toi qui oses porter tes regards jusque-là ? dit Kim. Il me faut accomplir des mystères au nez des imbéciles, mais veille à tes yeux. Est-ce qu'il y a déjà une taie dessus ? Je sauve le bébé, et en retour, tu... oh ! sans pudeur ! (L'homme se troubla sous le regard fixé sur lui, car Kim prenait la chose tout à fait au sérieux.) Faut-il te maudire, ou faut-il — (il ramassa l'enveloppe du paquet et la jeta sur la tête baissée de l'homme). Ose seulement penser au désir de voir, et... et... il me devient impossible de te sauver. Assis ! Pas un mot !

— Je suis aveugle... muet. Ne me maudis pas ! Viens, mon enfant ; nous allons jouer à cache-cache. Pour mon salut, ne regarde pas par-dessous le drap.

— J'entrevois une lueur d'espoir, dit E. 23. Quel est ton plan ?

— Enlève ça », dit Kim, en pinçant la mince chemise de l'homme.

E. 23 hésita, avec toute la répugnance d'un homme du Nord-Ouest à se mettre nu.

« Qu'est-ce que la caste pour un cou qui ne tient plus ? dit Kim en le dépouillant jusqu'à la ceinture. Il faut que je fasse de toi un Saddhu, jaune partout. Bas les habits — promptement, et secoue-toi les cheveux par-dessus les yeux tandis que je répands la cendre. Maintenant, une marque de caste sur le front. »

II tira de son sein la petite boîte à couleurs de la topographie et une tablette de laque cramoisie.

« Est-ce que tu n'es qu'un débutant ? » demanda E. 23, qui peinait littéralement pour sauver sa vie, en sortant de ses frusques et en paraissant en caleçon, tandis que Kim éclaboussait un superbe signe sur son front souillé de cendres.

« Depuis deux jours seulement dans le Jeu, frère, répondit Kim. Barbouille-toi encore de la cendre sur la poitrine.

— Aurais-tu parfois rencontré — un médecin de perles malades ? »

Il déroula d'un geste, en la faisant claquer, la longue étoffe de son turban étroitement serrée, et en un tour de main s'en enroula les reins, dessus, dessous, avec les méandres compliqués d'une ceinture de Saddhu.

« Ah ! tu reconnais sa manière, alors ? Il a été quelque temps mon professeur. Il nous faut te barrer les jambes. La cendre guérit les blessures. Barbouille-toi encore.

— J'ai été son orgueil, mais tu vaux presque mieux. Les Dieux nous sont favorables ! Donne-moi cela. »

C'était une boîte en fer-blanc, pleine de pilules d'opium pêle-mêle avec le reste, dans le paquet du Jat. E. 23 en avala goulûment une demi-poignée.

« C'est bon contre la faim, la peur et le froid. Et cela vous fait aussi les yeux rouges, expliqua-t-il. Maintenant je vais avoir du cœur pour jouer le Jeu. Il ne nous manque que des pincettes de Saddhu. Que faire des vieux vêtements ? »

Kim les roula en un petit paquet, et les fourra dans les plis flottants de sa tunique. À l'aide d'une tablette d'ocre jaune il barbouilla les jambes et la poitrine en grandes barres sur le fond de farine, de cendres et de curcuma.

« Il suffirait du sang qui est dessus pour te faire pendre, frère.

— Cela se peut ; mais inutile de les jeter par la portière... C'est fini. (Sa voix perça l'air avec toute la joie d'un enfant en plein jeu.) Tourne-toi, et regarde, ô Jat !

— Les Dieux nous protègent, dit le Kamboh en émergeant de dessous son capuchon comme un buffle d'entre les roseaux. Mais... où est allé le Mahratte ? Qu'as tu fait ? »

Kim avait reçu les leçons de Lurgan sahib ; et E. 23, en vertu de son métier, n'était pas trop mauvais acteur. À la place du commerçant tremblant et craintif, était nonchalamment étendu dans le coin rien d'autre qu'un Saddhu presque nu, barbouillé de cendres, barré d'ocre, les cheveux poudreux, les yeux gonflés (l'opium produit rapidement son effet sur un estomac vide) et lumineux d'insolence et de brutale luxure, les jambes croisées sous lui, le rosaire brun de Kim autour du cou, et peut-être un mètre d'une méchante perse à fleurs sur les épaules. L'enfant se cacha le visage dans les bras de son père stupéfait.

« Lève les yeux, mon petit prince ! Nous faisons route avec des sorciers, mais ils ne vont pas te manger. Oh ! ne pleure pas... Y a-t-il du bon sens à guérir aujourd'hui un enfant pour demain le faire mourir de peur ?

— L'enfant sera heureux toute sa vie. Il a assisté à une grande guérison. Quand j'avais son âge, je faisais des hommes et des chevaux avec de l'argile.

— J'en ai fait aussi. Sir Banas, il vient la nuit et il leur donne la vie derrière le fumier de notre cuisine, gazouilla l'enfant.

— Aussi tu n'as peur de rien. Eh ! mon prince ?

— J'ai eu peur parce que mon père a eu peur. J'ai senti ses bras trembler.

— Oh, le poltron ! dit Kim. (Et le Jat, honteux, se mit lui-même à rire.) J'ai accompli une guérison sur ce pauvre commerçant. Il faut qu'il laisse là ses gains et ses livres de comptes, et qu'il reste trois nuits sur le bord de la route pour triompher de la malignité de ses ennemis. Il a les Étoiles contre lui.

— Moi, je dis que moins il y a d'usuriers, mieux cela vaut ; mais Saddhu ou non, il devrait me payer mon étoffe qu'il a sur les épaules.

— Vraiment ! Mais, n'est-ce pas là, sur ton épaule, à toi, cet enfant... qui appartenait au bûcher il n'y a pas deux jours. Écoute encore. J'ai accompli ce sortilège en ta présence parce qu'il le fallait absolument. J'ai changé sa forme et son âme. Cela n'empêche pas, homme de Jullundur, que si tu te souvenais de ce que tu as vu, soit parmi les anciens assis sous l'arbre du village, soit dans ta propre maison, soit en compagnie de ton prêtre lorsqu'il bénit ton bétail, la peste se déclarera parmi les buffles, le feu prendra à ton chaume, les rats se mettront à ta huche, et la malédiction de nos Dieux s'appesantira à ce point sur tes champs qu'ils sécheront devant tes pas et derrière le soc de ta charrue. »

C'était un bout de vieille malédiction empruntée à un des fakirs de la porte de Taksali aux beaux jours de l'innocence de Kim. Elle ne perdit rien à la répétition.

« Cesse, Saint Homme ! De grâce, cesse ! s'écria le Jat. Ne maudis pas le foyer. Je n'ai rien vu ! Je n'ai rien entendu ! Je suis ta vache ! »

Et il embrassa les pieds nus de Kim, qui battaient d'impatience le plancher du wagon.

« Mais comme il t'a été donné de m'aider en me donnant une pincée de farine, un peu d'opium, et autres bagatelles semblables, que j'ai honorées en les mettant au service de mon art, les Dieux vont en retour t'accorder une bénédiction. »

Et il donna cette bénédiction tout au long, pour le plus grand soulagement de l'homme. C'en était une qu'il avait apprise de Lurgan sahib.

Le lama, derrière ses lunettes, ouvrit des yeux comme il n'en avait pas ouvert pour l'affaire du déguisement.

« Ami des Étoiles, dit-il à la fin, tu as acquis une grande sagesse. Prends garde qu'elle ne donne naissance à l'orgueil. Nul homme ayant la Loi devant les yeux ne parle inconsidérément de ce qu'il a vu ou rencontré.

— Non... non... non, bien sûr », s'écria le fermier, à l'idée que le maître crût devoir renchérir sur l'élève.

E. 23, la bouche détendue, se donna tout entier à l'opium, qui est, pour l'Asiatique épuisé, à la fois viande, tabac et remède.

Et c'est ainsi qu'au milieu d'un silence où planaient la crainte et le malentendu, ils pénétrèrent dans Delhi à l'heure où l'on allume le gaz.



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Notes relatives à ce chapitre.

1 La Chanson du jongleur, op. 15 : l'édition Macmillan ne porte pas de titre. Comme dans bien d'autres cas, Kipling a développé cette strophe pour en faire un poème plus long qui figure sous ce titre dans l'édition définitive des poèmes. retour

2 Celui qui est Un : l'expression renvoie au divin, but de la méditation. retour

3 Sakhi Sarwar Sultan : lieu saint musulman du Pendjab pakistanais. retour

4 La cause des choses : ces représentations étaient probablement, à l'origine, dessinées sur le sol à l'aide de craies de couleur, ou simplement faites avec les doigts, comme c'est encore parfois le cas aujourd'hui au Tibet. retour

5 Prêtres jaïns : voir le texte autour de la note 12 du chapitre 9. retour

6 Sakyamuni : voir note 21 chapitre I. retour

7 Créature vivante : le respect de la vie chez les Jaïns conduit les prêtres à porter un masque sur la bouche de façon à ne pas avaler par mégarde quelque insecte et à balayer le chemin devant eux pour ne pas écraser de créature vivante. retour

8 Le serpent est vénéré en Inde sous plusieurs formes ; considéré comme un esprit de la terre, il est aussi un symbole d'éternité dans la cosmologie hindoue. retour

9 Cordon brahmanique : ce cordon est porté en travers de la poitrine par les brahmanes. retour

10 Bœuf : Kim pouvait manger du bœuf avec des Anglais ou des musulmans, mais l'hindouisme interdit la consommation de cette viande. retour

11 Ghats crématoires : ce sont les lieux de crémation, au bord du Gange, à Bénarès. retour

12 Tête tondue : l'expression désigne ici un prêtre. retour

13 Pays des rois : c'est-à-dire dans les royaumes qui n'étaient pas directement sous contrôle britannique. retour

14 Le curcuma est une épice jaune, proche du safran. retour
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